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Goths? Les contemporains eux-mêmes répondront. Sidoine Apollinaire ne s’élève pas seulement comme évêque de Clermont contre des ennemis ariens et persécuteurs, il parle aussi comme citoyen de l’empire quand il se plaint, dans une de ses lettres, de ce que les barbares ont envahi son territoire et l’ont conquis par les armes, « C’est le triste sort de notre Auvergne, dit-il, d’être ouverte à leur irruption. Nous excitons particulièrement leur haine en ce que nous sommes le dernier obstacle qui les empêche de s’étendre jusqu’aux rives de la Loire; leur farouche ambition dévore à l’avance l’importune barrière. » Jornandès ne s’y trompe pas davantage quand il dit que le roi Euric, voyant l’instabilité des empereurs de Rome, prétendit s’emparer de la Gaule et la tenir de son plein droit, crebram mutationem romanorum principum cernens, Gallias suo jure nisus est occupare, ou bien lorsqu’il ajoute peu après : « Le roi Euric fut tué dans la dix-neuvième année de son règne; il possédait de son plein droit, jure proprio, l’Espagne et la Gaule. » Salvien n’est pas d’un autre sentiment alors que, s’élevant contre les vices et la corruption des habitans de l’Aquitaine, il leur montre qu’ils ne doivent pas s’étonner si Dieu a transporté leurs terres entre les mains des barbares et si un grand nombre d’entre eux est privé de patrie. Il ne s’agit pas ici de déclamation : ces expressions des contemporains n’auraient offert absolument aucun sens, s’il n’y avait eu qu’une juxtaposition de peuples par suite des traités au lieu d’une conquête.

La partie orientale de la Gaule fut occupée par les Burgundes. Quelques témoignages contemporains les représentent, il est vrai, comme ayant été d’humeur pacifique; il n’est pas douteux qu’ils n’aient eu, eux aussi, des conventions avec l’empire, et leurs rois portaient à l’envi les titres romains de maître de la cavalerie, de comte et de patrice. D’autre part cependant c’est le peuple des Nibelungen ; Ammien Marcellin les dit très redoutables, et, selon Jornandès, ils ravagèrent pendant plusieurs années les provinces frontières. Il fallait bien qu’ils fussent tout au moins gênans, puisque Aétius dut marcher contre eux avant de les avoir pour alliés à Châlons. Le gouvernement impérial leur concéda des terres en Savoie, nous dit-on; mais y restèrent-ils paisiblement enfermés? Non certes, ils s’étendirent fort au-delà, et le royaume burgunde comprit bientôt tout le pays de Genève, Besançon, Lyon et Vienne, que les empereurs apparemment ne leur avaient pas donné. Volontiers du reste on leur aurait offert une nouvelle concession pour qu’ils prissent moitié moins.

Nous avons, ce semble, pour nous convaincre que les Visigoths et les Burgundes se sont établis au sud et à l’est de la Gaule par