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gine, les Aduatiques, s’établit entre la Meuse et l’Escaut ; à la suite d’Arioviste, jusqu’à trois tribus occupent le pays d’Alsace. Des cohortes germaniques viennent aider Jules César contre Vercingétorix ; il les aura encore avec lui au passage du Rubicon et à Pharsale, et ce sera l’origine de cette garde tudesque des empereurs qu’on verra se mêler aux émeutes de Rome dès le temps de Vitellius, et qui se perpétuera dans Byzance jusqu’au temps des croisades par les célèbres Véringues. Agrippa, le ministre d’Auguste, transporte déjà des milliers de Bataves dans la Gaule belgique, et depuis, suivant son exemple, les Romains introduisirent des groupes nombreux de barbares dans l’intérieur de la Gaule. Les Francs aussi pénètrent dès le IIIe siècle. La Notitia dignitatum, cette sorte d’almanach impérial dressé vers 400, les montre établis à titre de lètes dans la Gaule occidentale et sur les rives du Rhin, dont la garde leur est confiée : ce n’est pas par eux, c’est par d’autres peuples d’origine également germanique que la Gaule romaine verra les premiers royaumes barbares se former sur son territoire.

La Gaule a été occupée de trois côtés différens au lendemain de la grande invasion de 406. Les Visigoths arrivent en 412, par le sud-est. Ils viennent d’Italie, où, sous leur grand chef Alaric, ils ont pris Rome, ce qui est déjà significatif. Ataulf, son successeur, fait passer les Alpes à cette multitude de soldats, de femmes et d’enfans. Narbonne, puis Toulouse et Bordeaux sont forcées d’ouvrir leurs portes. Il est vrai que presque aussitôt, sur l’invitation du gouvernement impérial, ils s’en vont en Espagne reprendre les provinces romaines que les Alains et les Vandales, après avoir forcé la ligne du Rhin et traversé en courant toute la Gaule, venaient de lui enlever. Les empereurs donnaient très volontiers ainsi à des chefs barbares la mission d’aller reconquérir les territoires que d’autres barbares avaient usurpés. Ces chefs, s’ils revenaient vainqueurs, déclaraient, pour peu qu’on les en pressât, n’avoir triomphé qu’au nom de l’empire. Chacun y trouvait son compte, à des titres divers : cela servait la vanité des uns et la cupidité des autres. Quand les Goths sont de retour en Gaule, cinq ans après, Honorius leur donne en récompense un vaste pays, la seconde Aquitaine, depuis Toulouse en suivant les rives de la Garonne jusqu’à la mer. Voilà, il est vrai, des concessions formelles ; mais il ne faut pas croire que les barbares se contentent longtemps de ce qui leur a été assigné ; leur royaume comprend bientôt, avec l’Espagne entière, toute la Gaule au sud de la Loire : l’Auvergne est cédée à leur roi Euric par l’empereur Julius Nepos en 475. Dira-t-on, en rappelant cette mission en Espagne et cette double concession impériale, qu’il n’y a pas eu conquête au sud de la Loire de la part des