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il n’a pas caché son secret. Les troupes étaient placées de façon à supporter une première attaque, à gagner assez de temps pour pouvoir être secourues par des corps voisins. Si ces corps eux-mêmes ne suffisaient pas, ils devaient résister encore assez pour qu’on pût leur envoyer de nouveaux secours. C’est ce qui était arrivé à Champigny. On n’avait eu nullement besoin d’abord de dégarnir Versailles. Les Saxons qui étaient sur la rive droite de la Marne vers le nord n’avaient eu qu’à se rapprocher des Wurtembergeois, tandis que le IIe corps prussien, qui était vers Villeneuve-le-Roi, s’était rapproché de son côté en passant la Seine. Le second jour, le 2 décembre, devant l’acharnement et l’incertitude du- combat, on faisait un effort ; on réunissait pendant la nuit du 2 au 3 ces 80 bataillons que notre armée allait rencontrer devant elle, si elle eût tenté une nouvelle attaque.

C’était aussi ingénieux que puissant, et toutefois cette puissante, cette méthodique et redoutable organisation d’un investissement sans exemple avait certainement son point vulnérable. Cette armée de plus de 200,000 hommes engagée si loin de son pays, établie dans une région bientôt épuisée par la guerre, réduite à passer de longs mois devant une immense citadelle qu’elle convoitait, qu’elle assiégeait et qu’elle n’osait attaquer de vive force, cette armée avait besoin de se ravitailler sans cesse, de s’assurer des vivres, de renouveler ses munitions, d’amener sur ses lignes un colossal matériel de siège. Pour cela, il lui fallait des communications sûres et ininterrompues. L’état-major prussien ne s’y était point mépris, et depuis le premier moment il n’avait pas eu de plus vive préoccupation que d’adapter aux besoins de l’armée les chemins de fer sur lesquels il mettait la main. Ce n’est que par degrés et assez lentement, à dater de la chute de Toul, le 23 septembre, qu’on arrivait à régulariser les communications avec l’Allemagne par Wissembourg et Sarrebruck, en même temps qu’on disposait sur Paris de la ligne, directe de Nancy, des lignes auxiliaires passant par Reims, Soissons, Mitry ou par Reims, Laon, La Fère, Gonesse, — puis enfin d’une dernière ligne par Blesme, Chaumont, Troyes, Montereau, Même après s’être assuré la ligne directe de Nancy, on ne pouvait pendant longtemps dépasser Nanteuil à 60 kilomètres des lignes d’investissement, par suite de la destruction d’ouvrages d’art ; ce n’est qu’au commencement de décembre qu’on finissait par atteindre Lagny. Or à partir de Nanteuil il ne restait plus que la voie de terre ; il fallait 5,000 ou 6,000 voitures qu’on ne trouvait, pas en France, qu’on se voyait réduit à faire venir d’Allemagne. Les transports étaient d’une difficulté extrême, surtout à mesure qu’on avançait dans l’hiver, et le service des vivres, des munitions, n’était rien moins qu’assuré. Pour parer à l’imprévu, on s’efforçait par tous les