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en trois colonnes d’attaque : l’une essayant de percer entre le village et la Marne, l’autre abordant la tête de Champigny par les parcs, la troisième se portant dans la direction du « four à chaux. »

Le premier moment fut rude. Vers la Marne, les Prussiens avaient de la peine à percer. A l’autre extrémité, du côté du « four à chaux, » c’était une confusion extrême. Vainement le chef des mobiles de la Côte-d’Or, le colonel de Grancey, essayait de rallier son monde ; il ne réussissait qu’à rassembler quelques hommes et à se faire tuer en se portant intrépidement à l’ennemi. Les mobiles d’Ille-et-Vilaine, qui tenaient d’abord un peu mieux et qui faisaient même des pertes sérieuses, se repliaient bientôt à leur tour jusqu’au-delà de Champigny, et cette retraite désordonnée de la brigade Martenot tout entière laissait tout à coup dans notre ligne une trouée des plus dangereuses. Dès lors, tout le poids de la lutte retombait sur la brigade Paturel, appuyée par les deux batteries Buloz et Fly Sainte-Marie, qui se portaient au combat avec la plus énergique décision[1]. Le général Paturel était obligé tout à la fois de défendre ses positions et de remplir le vide ouvert par la retraite de la brigade Martenot. Il tenait tête vigoureusement. Dans cette matinée, le général Paturel lui-même était blessé, ses deux régimens, le 121e et le 122e avaient perdu leurs chefs, les colonels Maupoint de Vandeuil et de La Monneraye ; la plupart des chefs de bataillon étaient hors de combat, le commandement de la brigade restait au dernier chef de bataillon demeuré debout ; cependant on s’était maintenu et on se maintenait.

À la tête même de Champigny, le choc n’avait pas été moins rude. Les compagnies du 42e disposées dans les deux parcs, s’étaient vues assaillies et débordées avant d’avoir pu se reconnaître. Quelques-unes s’étaient repliées, d’autres se retranchaient dans les jardins et opposaient une indomptable résistance. Une de ces compagnies tint six heures durant sans reculer, épuisant ses munitions jusqu’à la dernière cartouche, se voyant réduite à quinze hommes. Les Prussiens avaient pris les premières maisons et essayaient de s’avancer à travers les murs ; mais on leur opposait le même travail de sape et de cheminement. On se fusillait de maison à maison, d’un côté de la rue à l’autre. Pendant ce temps, on avait disposé dans l’intérieur du village des lignes successives de défense contre

  1. La batterie Buloz perdit le capitaine en second, blessé mortellement, les deux lieutenans grièvement blessés, 23 sous-officiers et canonniers hors de combat, 32 chevaux tués. Une autre batterie, celle du capitaine de Chalain, placée près de la route de Villiers, subissait le 30 novembre et le 2 décembre une perte de 43 hommes et 71 chevaux. La batterie de mitrailleuses du capitaine Tremoulet perdait tous ses officiers. Nos artilleurs, dans ces deux journées, firent très bravement leur devoir, suivant en cela l’exemple de leurs chefs, le général Frébault, commandant en chef de l’artillerie de la 2e armée, le général Boissonnet, qui l’un et l’autre furent blessés.