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Cette fois, à n’en plus douter, c’était la grande affaire. Le 30 au matin, 300 pièces d’artillerie tonnant à la fois et couvrant la presqu’île d’obus ouvraient le chemin à l’armée française. Le 1er corps du général Blanchard, fort des deux divisions Malroy et Faron, devait passer la Marne à Joinville et se porter aussitôt sur Champigny en chassant tout ce qu’il trouverait devant lui. Le 2e corps du général Renault, moins la division Susbielle, réservée à un autre rôle, avait son passage indiqué sous Nogent, et devait aborder directement la rampe de Villiers. Le 3e corps du général d’Exéa, avec les deux divisions Bellemare et Mattat, devait franchir la Marne à la hauteur de Neuilly, sous la protection d’Avron, et avait pour objectif Noisy-le-Grand, de façon à tourner Villiers, qui était visiblement le centre et la clé des positions. Par cette combinaison, appuyée de tous les feux d’Avron, de Rosny, de Nogent, de Gravelle, de Saint-Maur, secondée par une vigoureuse attaque de l’amiral La Roncière Le Noury devant Saint-Denis, par un effort énergique du général Susbielle sur Montmesly, entre la Marne et la Seine, on ne désespérait pas de saisir corps à corps cette fraction de l’armée d’investissement qui tenait les hauteurs, d’arrêter ou de retarder les renforts qu’elle pourrait recevoir du nord ou du sud, et de réussir à se frayer un chemin. Toute la bataille du 30 est là.


III

Au jour naissant, par un froid et beau temps d’hiver, le mouvement commençait sur tous les points. En moins de deux heures, le 1er et le 2e corps avaient passé la Marne et se hâtaient dans leur marche. La division Faron, composée de la brigade La Mariouse, — 35e, 42e de ligne, mobiles de la Vendée, — et de la brigade Comte, — 113e et 114e de ligne, — s’avançait sur Champigny, suivie de la division Malroy. On avait déjà rencontré l’ennemi, on commençait à essuyer le feu des hauteurs. Le 113e de ligne, résolument enlevé, abordait Champigny et en chassait vivement les Saxons, qui se repliaient assez en désordre. On tenait le village, qu’une partie de la division Faron traversait dans sa longueur, se portant à la tête de Champigny même, et n’attendant qu’un signal pour assaillir les coteaux de Cœuilly et de Chennevières. La division Malroy prenait à gauche dans le village, se dirigeait sur une position bien connue, celle du « four à chaux, » attaquant ainsi les pentes dans l’intervalle qui sépare Villiers de Cœuilly. De son côté, le 2e corps, dépassant ce qu’on appelle la « Fourche de Champigny, » s’engageait sans perdre de temps sur la route de Villiers. On se jetait sur un petit village touffu appelé le Bois-du-Plant, qu’on enlevait lestement en faisant quelques prisonniers, et presque aussitôt on se