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parler des diversions nécessaires, on n’avait tout au plus que quatre ou cinq jours. J’ajoute que tout cela, il fallait le faire en présence des Prussiens qui occupaient Champigny, Brie, et poussaient leurs avant-postes jusqu’à la Marne. Les hauteurs étaient sous la garde de la division wurtembergeoise.

Jusqu’à quel point pouvait-on se promettre de prendre l’ennemi à l’improviste ? Évidemment les Prussiens, sans avoir une idée nette de ce qui se préparait, ne tardaient pas à soupçonner quelque chose, puisqu’à dater du 26 novembre les diverses fractions de l’armée de la Meuse qui tenaient le nord avaient l’ordre de se rapprocher par échelons de la zone de l’est. Une division du XIIe corps saxon devait aller prendre position à Noisy-le-Grand. D’un autre côté, une brigade d’infanterie du IIe corps prussien était placée à Villeneuve-Saint-George, à cheval sur les deux rives de la Seine, prête à marcher au premier signal. Les Allemands se précautionnaient ; seulement ils ne se croyaient pas si près du choc décisif.

Dès que la résolution définitive avait été arrêtée en effet, et ce n’était guère avant le 22 ou le 23 novembre, on avait mis la main à l’œuvre avec une sorte de fièvre, on n’avait plus perdu un moment. Les trois corps de la deuxième armée venaient se concentrer entre Vincennes et Rosny. Les équipages de pont réunis à Gennevilliers étaient transportés à l’est par les soins de deux ingénieurs distingués, M. Krantz et M. Ducros, le même qui est aujourd’hui préfet de Lyon, et ce n’était pas peu de chose puisqu’il s’agissait de jeter huit ou dix ponts, sans parler de ceux dont restaient chargés les pontonniers de l’armée. Le contre-amiral Saisset devait inaugurer la lutte par l’occupation du plateau d’Avron, où le colonel Stoffel avait ordre d’établir plus de 60 pièces de canon. En même temps, on armait puissamment la redoute de Saint-Maur, on élevait de nouvelles batteries dans la presqu’île, et pour mieux faire, on croyait devoir placer cette zone sous la direction spéciale d’un officier d’artillerie assez connu, le général Favé. Entre Avron et Saint-Maur, on allait disposer de plus de trois cents pièces de position, sans compter cinquante-quatre batteries de campagne attachées à l’armée ; enfin les diversions destinées à seconder le mouvement principal devaient être exécutées par le général Vinoy au sud, par l’amiral La Roncière Le Noury en avant de Saint-Denis, sur Épinay, par les généraux de Liniers, de Beaufort sous le Mont-Valérien. Alors, tout étant prêt, le 28 novembre, éclatait, avec une proclamation du général Trochu, cet ordre du jour du général Ducrot, qu’on ne comprend plus entièrement quand on est sorti de cette fournaise, mais qui, replacé à son vrai moment, dans son vrai cadre, résumait la « soif de vengeance, » la « sourde rage » de tous,