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pulser des provinces basques toutes les femmes de mauvaise vie. S’il ne soigne pas le bien-être de ses soldats, il s’occupe de leur moral, et même peut-être de leur santé. Ainsi vont les choses en Espagne, Une assemblée sans autorité, sans la moindre expérience de la politique, un gouvernement sans armée comme sans argent, un pays tout entier momentanément retranché de la vie européenne, c’est là le dernier mot de cette situation. Il est vrai qu’on vient d’imaginer un dernier moyen : des membres de l’assemblée ont proposé de suspendre les séances des certes pour que les députés puissent aller se mettre à la tête de la guerre contre les carlistes. S’ils cèdent à cette belliqueuse pensée de se mettre en campagne, ils feront bien de ne pas se laisser prendre par le curé Santa-Cruz, qui est de force à ne pas respecter en eux la majesté de la république fédérale. Jusqu’où ira cette expérience ? C’est là la question. L’Espagne aurait besoin plus que jamais d’un gouvernement qui pût la sauver tout à la fois du carlisme et de l’anarchie, partout déchaînée. Où sont aujourd’hui les élémens premiers de ce gouvernement ?

Au milieu de cette vie occidentale troublée par les révolutions ou par les guerres, mais toujours heureusement puissante par le mouvement ininterrompu d’une civilisation victorieuse, voilà l’Orient faisant son apparition dans la personne d’un de ses princes, comme pour mêler à nos tristes réalités les légendes des Mille et une Nuits ou le souvenir des ingénieuses fictions des Lettres persanes. Le shah de Perse, « le roi des rois, » Nasr-ed-Din fait son tour d’Europe. Cette seule pensée de venir visiter l’Occident dénote évidemment chez le souverain asiatique une certaine curiosité d’esprit, un goût assez vif pour la civilisation européenne. Nasr-ed-Din a commencé son voyage par la Russie, où il a séjourné pendant quelques semaines tantôt à Moscou, tantôt à Saint-Pétersbourg. C’était la première étape de son voyage. À Berlin, il a fait de la diplomatie, puisqu’il a signé un traité par lequel l’Allemagne lui promet ses bons offices dans le cas où la Perse aurait des difficultés avec d’autres puissances ; en d’autres termes, l’Allemagne deviendrait ainsi la meilleure amie et la protectrice de la Perse. Puis le shah est allé en Belgique, il est allé en Angleterre, où il a été reçu somptueusement, en souverain que les Anglais veulent gagner, et au bout de ces excursions enfin Nasr-ed-Din est sur le point d’arriver en France, Dans trois jours, il doit être à Paris, qui est sa grande préoccupation, à ce qu’il semble, qui garde à ses yeux le prestige de la capitale privilégiée de l’Europe ; mais ne voilà-t-il pas qu’au dernier moment on a failli répondre à cette galanterie du souverain par une vulgaire impolitesse ! Le conseil municipal, ou pour mieux dire une partie du conseil municipal, a éprouvé des scrupules lorsqu’on a parlé de voter des fonds pour la réception du shah.

Une fête à Paris pour un souverain, lorsque l’état de siège est encore en vigueur, lorsque la répression des méfaits de la commune n’est pas