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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 juin 1873.

Les partis sont toujours les mêmes dans leurs évolutions comme dans leurs tactiques, et ce qui se passe depuis un mois n’est que la reproduction nouvelle d’une vieille et invariable histoire. Ce qu’on ne pardonnait pas la veille à des adversaires lorsqu’on était dans l’opposition, ce qu’on incriminait avec passion, on le fait le lendemain tranquillement, sans s’émouvoir, parce qu’on ne peut pas faire autrement, et on ne craint en aucune façon d’avouer que rien n’est changé. Ce qu’on trouvait tout simple de la part d’un gouvernement qu’on soutenait, on le trouve étrange et intolérable dès que ce sont d’autres hommes qui le font. Être ou n’être plus au pouvoir, c’est ce qui change toutes les perspectives des choses.

Quand une situation s’est décidée dans un sens, quand la crise est dénouée, aussitôt commence cette volte-face des opinions et des passions, conduite par l’esprit de parti. Il y a bien toujours des optimistes et des pessimistes ; seulement les uns et les autres ont changé de camp. Pour ceux qui sont sortis vainqueurs de la lutte engagée, tout va désormais au mieux dans le meilleur des mondes. Le scrutin qui a donné le succès à l’opposition a été un véritable coup de baguette magique. Le gouvernement de M. Thiers, y pensez-vous ? Il est étonnant qu’on l’ait subi deux ans. Avec lui, on allait droit « aux abîmes-, » la France était en perdition ! Il est vrai qu’il y avait bien eu quelque chose comme une certaine paix reconquise et même une libération du territoire préparée non sans un certain soin ; mais qu’était-ce que tout cela auprès de l’invasion imminente du radicalisme et de la commune, prête à prendre sa revanche ? Maintenant tout est changé, la France respire, elle aura de nouveaux préfets, de nouveaux magistrats, comme elle a de nouveaux ministres et une nouvelle politique. La bourse monte, les affaires reprennent, la province se sent rassurée par une politique conservatrice et par les bienfaisantes promesses de « l’ordre moral. » — Pour d’autres au contraire, tout s’est arrêté au 24 mai, tout s’est assombri depuis ce