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saient à faire une dépense qu’il jugeait indispensable, il résolut de la prendre à sa charge pour purger un quartier important des exhalaisons qui en rendaient le séjour dangereux. Le « bureau de la ville » s’occupait au reste si peu de cette question, d’où dépendait pourtant en partie la salubrité publique, que dès 1610 la régente Marie de Médicis est obligée d’intervenir directement et d’ordonner au lieutenant du grand voyer de France de faire opérer d’autorité le nettoiement des égouts. L’année suivante, en 1611, Hugues Cosnier, qui était directeur du canal de la Loire, reprend le projet de Desfroissis et n’est pas mieux écouté que celui-ci. Le roi veut agrandir la ville et enclore dans l’enceinte les Tuileries, le faubourg Saint-Honoré jusqu’à la rue Royale, le faubourg Montmartre jusqu’aux boulevards actuels[1].Pierre Pidou est chargé de ce travail en 1631; de plus il doit rendre les fossés navigables depuis l’Arsenal jusqu’à la porte de la Conférence, et construire entre le canal de navigation et la muraille de la ville un grand égout de 12 pieds de large qui eût récolté tous ceux où stagnaient les eaux du Paris septentrional. La première partie de cet excellent projet fut seule exécutée, et le ruisseau de Ménilmontant continua de faire l’office de cloaque universel. On sait exactement ce que notre ville, qui déjà aimait à se nommer la capitale de toute civilisation, possédait d’égouts à cette époque : 4,121 toises d’égouts découverts, 1,207 toises d’égouts voûtés, — en langage moderne 10,390 mètres. Dès qu’on y touchait, on courait risque d’asphyxie; mais la science de cette époque ignorait la nature des gaz méphitiques. En 1633, cinq ouvriers sont foudroyés au moment où ils mettaient la palette dans l’égout du Ponceau. Des médecins réunis discutent, sur le fait, en recherchent attentivement les causes, et tombent d’accord pour déclarer que les ouvriers ont été tués par le regard d’un basilic qui sans doute est blotti dans une excavation de l’égout.

En 1667, la lieutenance de police est créée. La Reynie se hâte d’assainir la ville; dès sa première année d’exercice, il consacre 187,000 livres au pavage des rues. Un changement de costume indique immédiatement le résultat obtenu : on substitue le soulier à la forte botte montante que l’on portait depuis si longtemps. Un arrêté de police ordonne que tous les ans le prévôt des marchands en personne, accompagné des échevins et du maître des œuvres, fera la visite des égouts et s’assurera qu’ils sont en bon état; les procès-verbaux de ces visites seront transcrits sur les registres de la ville. Lorsque l’on élève l’hôtel des Invalides, on n’oublie pas

  1. À cette époque, la porte Saint-Honoré était située dans l’axe prolongé de la rue de Richelieu actuelle, et la porte Montmartre occupait à point d’intersection de la rue Montmartre et de la rue d’Aboukir.