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solide. Elle-même répondait volontiers aux attaques dont elle était l’objet en vantant la force de ses études et l’excellence de ses méthodes. Quelques avertissemens lui étaient bien venus du dehors ; les étrangers ne témoignaient pas toujours pour ses collèges l’admiration qu’on éprouvait en France. Un professeur de Munich, M. Thiersch, qui les avait visités, venait même de publier un livre où il traitait fort sévèrement l’enseignement qu’on y donnait ; mais le livre était écrit en allemand, il ne fut pas connu du public français. M. Lenormant crut devoir reprendre l’opinion de M. Thiersch et la développer pour son compte. Il essaya de montrer, à la grande surprise du public, qu’il y avait beaucoup à redire et à corriger dans ce système d’études dont tout le monde semblait si satisfait. Ce système, l’Université ne l’avait pas créé ; elle le tenait du passé : c’était un héritage qu’elle avait le tort de garder trop fidèlement. M. Lenormant fait voir, et c’est une des parties les plus intéressantes de son travail, que le mal remonte aux dernières années du moyen âge. La vie alors sembla se retirer de l’Université, ou, comme nous dirions aujourd’hui, de l’enseignement supérieur, pour s’enfermer dans les collèges. Ces collèges n’étaient d’abord que des hôtelleries, des asiles ouverts par une charitable pensée aux hommes que le désir d’apprendre attirait de loin et exposait aux privations les plus dures. On n’avait songé qu’à les héberger, puis, quand ils commencèrent à venir plus jeunes à l’Université, on s’occupa dans les collèges de les préparer et en quelque sorte de les dégrossir : il y eut alors des classes intérieures et des leçons préparatoires. Après la préparation des nouveau-venus arriva la répétition, le perfectionnement pour les élèves plus anciens. Certains collèges avaient été magnifiquement dotés : ils avaient de beaux bâtimens, des salles spacieuses. L’Université proprement dite était mal logée ; les collèges lui donnaient souvent asile pour ses solennités les plus importantes : le public qui y affluait ne distinguait plus le collège de l’ Université. Par cette voie de concession et d’usurpation, quelques collèges arrivèrent au plein exercice, c’est-à-dire qu’ils obtinrent de mettre leurs travaux intérieurs sur la même ligne que les cours de l’Université. » C’est en vain que, sous Charles VII, le cardinal d’Estouteville imposa l’obligation aux professeurs de l’Université de faire des leçons publiques tous les jours aux heures marquées dans la rue du Fouare, et voulut forcer les élèves à y assister : les élèves aimaient mieux ne pas sortir de leurs collèges, où ils écoutaient des maîtres de leur choix, où ils se préparaient aux examens en travaillant comme ils voulaient, et les cours de la rue du Fouare furent tout à fait interrompus. Cette situation parut dangereuse au grand réformateur Ramus : il demanda qu’on rétablît les cours publics et qu’on leur rendît leur éclat ; mais l’opinion ne marchait pas de ce côté. Les jésuites, auxquels convenait le système de l’enseignement à huis-clos, et qui le trouvaient en faveur, s’empressèrent de l’adopter ; ils y obtinrent bientôt des succès merveilleux, et M.