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de Démosthène, on en compte trente-trois. qui, se présentent, non comme des discours par lui prononcés devant les tribunaux ou devant l’assemblée, mais comme des plaidoyers qu’il aurait composés pour autrui. Il y a, pour qui veut étudier de près cette intéressante collection, une première distinction à faire : de ces discours, un certain nombre n’appartiennent pas à Démosthène, comme nous en avaient avertis déjà Denys d’Halicarnasse et d’autres critiques de l’antiquité. C’est à l’époque alexandrine et, selon toute apparence, par les soins de Callimaque, à la fois érudit et poète, que ce recueil aurait été formé, que les discours auraient été rangés dans l’ordre où nous les lisons encore aujourd’hui ; or il n’est point douteux que ce travail n’ait été fait avec quelque précipitation et sans grand discernement. Les libraires, pour donner plus de valeur à leur marchandise, les employés au catalogue, pour s’épargner des recherches ennuyeuses, étaient enclins à inscrire, sous le plus léger prétexte, un nom célèbre en tête des manuscrits dont ils avaient fait l’acquisition à Athènes ; c’est ainsi que se trouvèrent attribués à Démosthène et à deux ou trois de ses contemporains les plus renommés des ouvrages qui appartenaient à des orateurs et à des logographes de second ou troisième ordre, oubliés déjà moins d’un siècle après leur mort. Pour plusieurs des plaidoyers compris parmi les œuvres de Démosthène, le doute n’est point permis, et nous avons des raisons péremptoires de lui en refuser la paternité ; il en est d’autres qui, pour des motifs d’ordres divers, paraissent justement suspects. Parmi les compositions auxquelles l’éditeur alexandrin a pour jamais attaché le nom du grand adversaire de Philippe et d’Alexandre, il n’en est guère plus de la moitié qui ne soulèvent point quelques doutes spécieux, et où nous’ puissions nous tenir pour assurés de reconnaître la main même et l’œuvre certaine de Démosthène[1].

Parmi les discours authentiques, il y aurait encore des catégories à établir. Certains plaidoyers ont été rédigés par Démosthène pour être prononcés dans des causés publiques, dans des procès où la politique était en jeu ; notre orateur, sans y paraître de sa personne, y était engagé d’intérêt et de passion. D’autres au contraire, le plus grand nombre, ont un caractère purement privé. Démosthène y plaide, en vrai logographe, une affaire qui ne le touche par aucun

  1. C’est dans les Beilage ou Appendices, qui forment la seconde partie du troisième volume d’Arnold Schæfer, qu’il faut chercher l’appareil et les résultats de toute cette critique. On trouvera, page 310 de cette partie, le tableau dans lequel il résume les conclusions de la vaste enquête à laquelle, reprenant à nouveau et contrôlant tous les travaux de ses prédécesseurs, il a soumis tous les ouvrages dont se compose la collection démosthénienne.