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Avec ces forces reconstituées et remises en mouvement, on avait regagné du terrain sur tout le pourtour de la place ; on avait repris Vitry, Villejuif, Arcueil, Cachan, Suresnes, Puteaux, une partie de Pierrefitte, La Courneuve, Fontenay-sous-Bois, Nogent-sur-Marne, la tête de pont de Joinville à l’est, toute la presqu’île de Gennevilliers à l’ouest.

Ce n’est pas tout : le génie travaillait incessamment. Sur le front sud, le général Tripier, récemment rappelé à l’activité, avait ouvert des tranchées qui reliaient nos positions, et devenaient pour les troupes une efficace protection. À l’ouest, à partir du Mont-Valérien et dans la presqu’île de Gennevilliers, on avait élevé ou mis en construction une série d’ouvrages, le moulin des Gibets, le moulin de Rueil, les batteries de Charlebburg, de La Folie, la redoute de Colombes, une ligne de travaux disposés le long de la Seine de façon à battre Bezons. Le matériel de la défense s’était en même temps considérablement développé. L’armement des forts et de tous les ouvrages complémentaires avait été porté au plus haut degré de puissance, et l’artillerie de campagne prenait d’heure en heure une extension inattendue. L’industrie privée y contribuait, si l’on veut, par la fabrication improvisée de ces pièces de 7 à l’aide desquelles on se figurait avoir raison des Prussiens. Un moment, il y avait la « fièvre des canons, » comme il y avait la « fièvre des sorties, » et par haine ou par défiance du comité d’artillerie, qui n’existait même plus, on faisait d’un brave homme, ministre des travaux publics, M. Dorian, le grand pourvoyeur de canons. Je ne veux pas diminuer le mérite de l’industrie privée ni de M. Dorian. La vérité est que tout ce qu’il y avait de sérieux se faisait par l’artillerie régulière, qui, malgré toutes les difficultés, arrivait en peu de temps à créer près de 100 batteries avec des officiers retraités ou démissionnaires, avec tout ce qu’on pouvait ramasser de vieux sous-officiers, de vieux soldats parmi les gardiens de la paix, les douaniers, les gardes forestiers, les gendarmes et les pompiers : 93 batteries de campagne, que portait à plus de 120 un certain nombre d’autres batteries envoyées par les départemens avec les mobiles ou fournies par la marine, sans compter plus de 2,000 pièces sur l’enceinte, dans les forts, les ouvrages nouveaux ou les batteries fixes. Cette immense artillerie, qui avant la fin du siège s’élevait au chiffre de 3,430 bouches à feu de tout calibre, était ou déjà constituée ou en pleine formation aux derniers jours d’octobre sous la direction du général Guiod. On trouvait dans Paris que ce n’était rien, les Prussiens trouvaient que c’était beaucoup, et M. de Bismarck, qui se moquait fort agréablement de notre « feu d’enfer, » se croyait obligé de faire entendre raison aux Allemands, qui commençaient