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C’était de ce côté surtout que le général Ducrot fixait ses regards, et il avait une raison qu’il ne disait pas, que seul il connaissait avec le général Trochu. Déjà les deux chefs militaires avaient la pensée d’une opération sur la basse Seine, qu’ils commençaient à préparer par des travaux activement poursuivis au-dessous du Mont-Valérien et dans la presqu’île de Gennevilliers. Or depuis quelques jours on remarquait une tendance de l’ennemi à s’étendre justement de ce côté. Il occupait le château et le parc de La Malmaison, il atteignait les premières maisons de Rueil, où l’on était à chaque instant aux prises avec lui ; il cheminait en se dérobant habilement au feu du Mont-Valérien. Si on laissait les Allemands gagner du terrain et s’établir un peu fortement de ce côté, on allait se trouver dans l’impossibilité de poursuivre l’exécution du plan qu’on méditait, sans compter que l’ennemi s’approchait ainsi beaucoup trop de nos positions et pouvait rester maître de déboucher dans la presqu’île de Gennevilliers quand il le voudrait. Le général Ducrot n’hésitait plus alors à prendre une offensive sérieuse. C’était là l’origine du combat de La Malmaison, qu’on appelait toujours une reconnaissance, et qui était en définitive une sortie tentée pour refouler l’ennemi en ramenant à l’action nos jeunes soldats, qui retrouvaient par degrés leur bonne volonté et leur ardeur. On n’entendait pas certainement livrer une grande bataille. Le général Ducrot n’avait qu’une force de 10,000 à 11,000 hommes d’infanterie à mettre en ligne ; mais il avait à sa disposition près de 100 pièces d’artillerie, et c’était surtout une affaire d’artillerie qu’on se proposait.

L’action était confiée en première ligne au général Berthaut et au général Noël, commandant supérieur du Mont-Valérien, chargés d’attaquer La Malmaison par le nord et par le sud, le premier avec 3,400 hommes d’infanterie et vingt bouches à feu, le second avec 1,340 hommes et dix pièces. Le colonel Cholleton, complétant le mouvement offensif, devait avec 1,600 hommes se porter sur Buzenval et l’enlever. Aux deux extrémités de la ligne de bataille devaient se trouver le général Martenot, placé avec 2,600 hommes vers Puteaux dans la direction de Montretout, et le général Paturel, restant dans la plaine, en avant de Nanterre, prêt à tout événement. Enfin le général de Bellemare avait ordre de sortir de Saint-Denis pour faire une démonstration dans la presqu’île, à la hauteur de Colombes. L’artillerie devait préparer le mouvement des colonnes d’attaque. A une heure et demie-de l’après-midi, le 21 octobre, les batteries françaises, disposées en demi-cercle de La Fouilleuse à Rueil, ouvraient le feu, soutenues par le Mont-Valérien, par les bastions de l’enceinte tirant sur Meudon, Sèvres, Garches, et par les canonnières appelées devant Suresnes. Après trois quarts d’heure d’un feu