Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 105.djvu/900

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’aventure où ils s’engageaient et sur les difficultés qu’ils pouvaient rencontrer jusque dans leurs prodigieux succès. Ce n’était pas tout d’être sous Paris. et d’avoir pu couper les communications de la place. On avait à garder ses propres communications avec la frontière, à défendre les positions qu’on venait de conquérir, à vivre surtout dans une zone d’occupation qui n’était pas encore très étendue, qui formait sur le territoire français un angle assez resserré dont Paris restait pour le moment le sommet. On s’avançait dans une région déjà épuisée, appauvrie par la guerre, où les approvisionnemens devenaient rares. A 40 kilomètres autour de Paris, on avait de la peine à trouver de quoi nourrir l’armée, et l’intendance prussienne se voyait réduite à user de toute sorte d’expédiens violens ou précaires. Le moyen le plus facile et le plus prochain sur lequel on comptait pour tirer des ressources de l’Allemagne même était le chemin de fer de Wissembourg et de Nancy ; mais la résistance de Toul avait d’abord intercepté la ligne. Ce premier obstacle écarté par la chute de Toul le 23 septembre, on n’arrivait encore qu’à une distance de 60 kilomètres des lignes d’investissement, à Nanteuil, où le génie français avait fait sauter les ponts sur la Marne et deux tunnels, et ce n’était pas de sitôt qu’on pouvait espérer régulariser les transports par voie de fer jusque sous Paris. D’un autre côté, le temps dont on avait besoin pour s’établir, pour assurer les communications avec l’Allemagne, pouvait nous profiter en province aussi bien qu’à Paris. Tant que Metz tenait encore, les Allemands n’avaient pas toutes leurs forces disponibles, et ils pouvaient se trouver exposés à faire face aux armées qui commençaient à se former en province en même temps qu’aux assauts des défenseurs de Paris. En un mot, ils avaient à protéger le blocus à l’extérieur en se maintenant contre les assiégés eux-mêmes.

Ces difficultés n’avaient nullement échappé aux Allemands. Les chefs de l’état-major prussien les avaient vues, ils les bravaient avec l’orgueil de la victoire et de la force. Ils se croyaient en mesure de suffire à tout, au moins pour le moment, avec les forces dont ils disposaient, et qui s’élevaient d’ailleurs vers la mi-octobre à 250,000 hommes. De ces forces, une partie était destinée à étendre le rayon d’occupation autant que possible, de façon à couvrir le blocus contre toute attaque extérieure et à faciliter les ravitaillemens qui restaient toujours un grave sujet d’inquiétude. Le Ier corps bavarois de von der Tann, appelé d’abord à Montlhéry, allait marcher sur la Loire et commencer sa campagne d’Orléans. La 22e division d’infanterie, détachée du XIe corps, se portait bientôt, sous le général de Wittich, dans la direction de Rambouillet, de Chartres ; c’est cette division qui devait le 18 octobre procéder à la terrible