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M. Ferru est un nouveau-venu dans nos expositions publiques ; mais son coup d’essai est presque un coup de maître. Son buste en plâtre de Gustave Ricard, relégué dans un coin sombre, est incomparablement meilleur que l’autre buste de Ricard qui s’étale à la place d’honneur. L’effet n’en est pas très frappant à distance ; il a besoin d’être regardé de près. Les plans en sont justes et fins, quoiqu’un peu minutieux, et l’ensemble du morceau, mis au point de vue convenable, a vraiment beaucoup de noblesse et d’expression. Le profil net et délicat, le regard doux et fier, le front chauve, mais vaste et plein, la grande barbe qui descend sur une robe de chambre en forme de simarre, tout donne à cette tête, d’un port plein de dignité, le grand air d’un de ces anciens magistrats de Venise dont Ricard aimait à raconter la vie et à reproduire l’image. Ce n’est peut-être point tout à fait le Ricard des derniers temps, déjà vieux et un peu courbé, avec un demi-sourire empreint d’une tristesse pensive, c’est un Ricard idéalisé, vu à la lumière de ses œuvres, le compatriote de Titien, l’émule et le compagnon de Van Dyck, tel enfin qu’il aurait dû être, s’il avait vécu à l’époque à laquelle il appartenait par son génie.

Parmi les œuvres de second ordre, il faut remarquer encore le buste de M. Pouillet, par M. Barthélémy, malgré son aspect massif, qui le fait ressembler, suivant une expression familière, à « une tête de cheval ; » le portrait en bronze de M. Coppée, par M. Louis Delaplanche, peut-être un peu froid, mais empreint d’une mélancolie tout individuelle, et, quoique ces mots paraissent jurer ensemble, d’une certaine fermeté rêveuse ; les bustes toujours ressemblans, mais très bourgeois de M. Adam-Salomon, l’habile photographe ; un colonel de M. Thabard, tête ronde et rasée, figure de soldat très vigoureuse, habilement traitée et fort bien mise en scène ; un buste un peu froid, mais assez ferme et assez franc d’aspect de M. Villemain, par M. Lequien ; un portrait de femme de M. Iselin, figure noble, tête haute, qui se meut avec aisance sur une encolure fine et pleine à la base, mais drapée avec prétention et vêtue d’une étoffe dont les rayures mêmes sont imitées ; une terre cuite de M. Gautherin, représentant une tête de jeune femme, finement modelée en clair-obscur, franche, naturelle et vraie ; enfin le buste de l’architecte Jay, par M. Schræder. Cette figure, fouillée et maladive, est peut-être d’un modelé trop fin pour produire un grand effet dans cette foule bigarrée de bustes et de statues ; mais elle doit gagner beaucoup quand elle rentre dans un milieu plus intime.

Nous devrions peut-être, avant de clore cette tournée, dire quelques mots de l’œuvre importante que M. Sanson destine à orner le