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glisse jusqu’aux pieds. L’imitation de l’antique est flagrante, elle se dénote jusque dans la couleur du bronze, qui est d’un vert sale et blanchi, comme s’il avait séjourné sous la terre. En somme, cette statue, avec ses deux bras étendus et ses pieds joints en forme de pyramide renversée, pourrait faire un assez joli pied de lampe dans le style pseudo-étrusque.

Tel est aussi le défaut de la charmante statue envoyée de Borne par M. Allar, un Enfant des Abruzzes. C’est un jeune garçon nu qui porte avec peine, en l’appuyant sur son genou, une grosse amphore pleine d’eau. Le mouvement de cette figure est très naturel, très juste, mais un peu contourné et médiocrement sculptural ; l’enfant, vu de face, repose sur le pied gauche, ramenant l’autre pied dans le même axe et soulevant sur son genou le vase que ses bras ne soutiennent qu’avec effort, ce qui lui donne la forme générale d’un cône posé sur sa pointe. De profil, ce défaut disparaît, et l’opposition de la jambe qui porte avec celle qui est pliée et qui fait saillie par-devant est au contraire d’un heureux effet. Le buste se penche à gauche pour rétablir l’équilibre ; la courbe du dos est charmante, et tout le corps s’arrondit avec une élégance souple et forte ; mais ce qu’il y a de plus remarquable dans cet ouvrage, c’est l’exécution, qui dénote un sculpteur de grand avenir. Placé entre ces deux écueils, de ne pas donner à sa figure d’enfant la vigueur nécessaire pour porter ce lourd fardeau, ou au contraire de lui en donner trop et de lui prêter les muscles et les gestes d’un homme, il a évité l’un et l’autre avec une grande habileté : ces petits membres ont toute la flexibilité de leur âge et toute l’énergie que cet âge comporte. Ils sont modelés d’une touche ferme, juste, large et consciencieuse à la fois, qui rappelle, peut-être avec moins de maigreur, les premiers morceaux de M. Paul Dubois. Le bas-relief d’Hécube et Polydore est inscrit dans un parallélogramme long, comme les bas-reliefs de Jean Goujon. Le jeune homme s’affaisse, cambré en arrière, la tête renversée, les jambes ployées, un bras pendant le long de son corps. Hécube saisit l’autre bras et se penche sur lui en pleurant. Les lignes sont très belles, très harmonieuses ; mais les draperies sont trop cassées, et l’effet de relief est manqué, faute d’assez d’habileté dans la disposition des plans.

Il y a de la. science et de la noblesse de style dans le bronze monumental de M. Valette, la Garde mobile. C’est une guerrière aux formes pleines, au buste droit, aux jambes élancées, qui se tient debout, vêtue d’une cotte de mailles, le front ceint d’une couronne de lauriers qui l’ombrage avec tristesse, la tête couverte d’un voile de deuil négligemment jeté sur ses épaules. Elle a quelque chose de la ferme et simple attitude du soldat sous les armes ; on sent