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un peu de solidité et de relief. La Corderie au contraire est un tableau de premier ordre. Sur une plage basse qui se perd dans les prairies, à quelques pas d’une falaise, à l’ombre de quelques vieux bateaux pêcheurs halés sur le rivage, des bestiaux se sont rassemblés vers l’heure de midi sous la conduite d’un jeune pâtre. Une jument blanche avec son poulain tourne la croupe vers le spectateur, et se repose, la tête basse, dans la tranquille attitude que les animaux des champs prennent au milieu du jour ; une vache s’est couchée à côté d’elle et rumine paisiblement ; une autre vache s’éloigne de quelques pas et meugle vers l’horizon ; le tout forme un groupe harmonieux et calme. Dans le fond, un cordier tourne sa roue et dispose ses fils sur ses chevalets. Les voiles des barques restées à sec sur la plage sont déployées pour sécher au soleil, et leurs silhouettes triangulaires se dessinent pittoresquement sur un ciel bleu moucheté de nuages bruns, nacrés et fouettés par le vent. Peut-être trouve-t-on un peu trop de vigueur dans l’azur de ce ciel et dans l’épaisseur de ces nuages insuffisamment modelés ; mais il y a de l’air, de l’espace, de l’humidité dans cet horizon ; on y sent la brise marine qui souffle librement. M. Van-Marcke est évidemment en progrès, et il ne faudrait pas beaucoup de toiles de cette valeur pour le faire passer au rang des maîtres.

La peinture de M. Veyrassat est d’un genre plus modeste, d’une exécution plus minutieuse, peut-être plus exacte et plus solide. Elle imite visiblement les procédés de Decamps, auquel elle emprunte ses empâtemens lumineux, son modelé gras et fort, ses touches épaisses et successives ; mais elle n’a rien de sa fougue et de son emportement pittoresque. C’est au contraire une peinture calme, franche et soigneuse à la fois, raisonnable et raisonnée, satisfaisante à tous les points de vue, comme celle de Meissonier, mais où manque aussi l’imprévu, l’imagination, ce je ne sais quoi dont on a dit : mens agitat molem. Rien de plus joli que sa petite toile intitulée l’Été. Il est midi, comme chez M. Van Marcke : sous un ciel chaud et brumeux, dans un chemin qui traverse un champ de blé mûr, deux chevaux de ferme, l’un blanc, l’autre noir, sont arrêtés, en harnais de travail ; l’un d’eux arrache furtivement quelques épis, tandis qu’un jeune gars, monté sur le dos de son camarade, se retourne pour parler à une belle paysanne carrément plantée sur ses deux pieds, le râteau sur l’épaule. Ce tableau est d’une justesse et d’une harmonie extrêmes ; malgré le modelé ferme et fort des figures vivantes, elles ne font qu’un avec le paysage, qui conserve toute, sa valeur et tout son éclat.

Notons encore, parmi les animaliers, MM. Palizzi et Schenck. La petite toile de M. Palizzi, les Buffles dans la campagne de Pœstum,