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LE
SALON DE 1873

II.
LE PAYSAGE ET LA SCULPTURE[1].


V

Il est fort rare que les grands talens naissent tout formés et qu’ils s’imposent du premier coup à l’admiration du public. La plupart des engouemens subits qu’on a vus se produire depuis quelques années ont été suivis d’une prompte décadence et d’un profond oubli. La foule des œuvres d’art est si grande, et le public est si distrait, qu’on ne peut espérer retenir son attention qu’à la longue, à moins qu’on ne cherche à la frapper par un certain charlatanisme vulgaire. Les artistes contemporains les plus sérieux ont été obligés presque tous de faire un long noviciat avant que le public daignât remarquer leurs œuvres ou rendre pleine justice à leur talent. C’est en général à cette période de lutte, de labeur obscur ou de succès incertain qu’appartiennent leurs meilleurs ouvrages. Dès qu’ils sont arrivés, ils s’arrêtent ; ils se relâchent, se complaisent dans leurs défauts, ou bien ils se répètent à profusion, se prodiguent jusqu’à s’épuiser, se livrent à une perpétuelle et monotone réédition d’eux-mêmes. Aussi les générations d’artistes ne durent-elles guère plus que les gouvernemens et les dynasties ;

  1. Voyez la Revue du 1er juin.