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convoi français l’acte de violence qui avait si bien réussi quelques jours auparavant contre un convoi autrichien. Dimitri s’adjoignit pour cette dangereuse expérience un brick de quatorze bouches à feu qui l’attendait en dehors de Milo. Le convoi n’avait pour protection que les six caronades de la Dauphinoise, chétive goélette commandée par le capitaine Harmand. À six heures du matin, un des navires marseillais convoyés, le Petit-Victor, changeait brusquement de route et mettait en travers sous la volée du brick et de la goélette grecs. « le montai sur le pont, nous dit le capitaine Harmand, et le demandai au brick ce que signifiait une pareille manœuvre ; en même temps le fis mettre chacun à son poste. Le brick me répondit que ce bâtiment avait des Turcs à son bord et qu’il voulait le visiter. Après l’avoir inutilement sommé de s’éloigner, le donnai l’ordre de commencer le feu. Aux premières décharges, la goélette laissa arriver vent arrière, et le brick mit ses perroquets. le fis feu des deux bords, et l’action se termina par les cris de vive le roi ! vive la France ! comme elle avait commencé. » Un mois à peine s’était écoulé, que la goélette l’Amaranthe se voyait également contrainte d’infliger à d’autres croiseurs une leçon non moins rude. Cette goélette avait pour capitaine le lieutenant de vaisseau Bruix, brave et spirituel officier, que son nom, sa valeur, auraient aisément conduit aux plus hauts grades, si la vivacité de ses opinions politiques, jointe à un caractère trop bouillant peut-être, n’eût, surtout dans les premiers temps de la restauration, fait obstacle à son avancement. Véritable type des joyeux aspirans du premier empire, le capitaine Bruix était de ces officiers à qui on ne saurait impunément faire flairer l’odeur de la poudre. Deux canots détachés d’un brick grec se dirigeaient le 17 avril sur la Claire, un des bâtimens que l’Amaranthe escortait. « J’ai fait, écrivait à l’amiral de Rigny l’impétueux commandant, crier aux embarcations de retourner à leur bord. Ils ont répondu d’une manière insolente et en agitant leurs armes. Alors j’ai envoyé toute ma volée sur le brick et sur ses embarcations. Les embarcations ont sur-le-champ rebroussé chemin. J’ai continué vigoureusement l’attaque pour profiter de la démoralisation et du désordre qui régnaient à bord de ce bâtiment de vingt canons, beaucoup plus fort par conséquent que l’Amaranthe. J’ai tiré quarante coups de canon et deux cents coups de fusil. Les Grecs alors n’étaient plus arrogans ; ils demandaient grâce en prenant lâchement la fuite. »

Le traitement, bien que mérité, était rigoureux, le jugement paraîtra plus sévère encore, si sévère qu’on pourrait jusqu’à un certain point le soupçonner d’être injuste. Il est évident que les Grecs, tout en se targuant de leurs prétendus droits, en ne négligeant