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bande et dix-sept corsaires d’Hydra et de Spezzia. Il s’agissait d’aller porter le pillage dans les comptoirs de Chypre et de Syrie. C’était une diversion, disaient les Albanais ; en réalité, ce n’était qu’une expédition de boucaniers animée par l’espoir d’un butin dont l’ennemi seul n’eût pas fait tous les frais. La discorde se mit entre les bandits de terre et les brigands de mer. Après une vaine incursion à Beyrouth et sur les côtes de Chypre, la troupe dispersée reparut dans les îles et y répandit de nouveau la terreur. Tels étaient les élémens avec lesquels les Grecs étaient venus aborder cette question délicate : « la propriété particulière sous pavillon neutre et le droit occasionnel de visite. »

L’exercice des droits de belligérans avait commencé pour les Grecs par des déclarations de blocus ; puis étaient venues les visites, les arrestations, les confiscations. La progression fut rapide : elle devait promptement arriver au plus épouvantable brigandage maritime que l’abus des mots ait jamais fait naître. Le droit de visite réciproque stipulé par le traité conclu en 1807 entre l’Angleterre et le Danemark était du moins restreint aux bâtimens de guerre dûment commissionnés, commandés par des officiers gradés, responsables envers leur gouvernement ; les corsaires en étaient exclus. Comment penser à concéder un droit pareil à des hommes exaspérés, qui n’obéissaient à personne, pas même aux chefs qu’ils s’étaient choisis ? Comment les laisser aborder tumultueusement les navires neutres, souffrir qu’ils les traînassent, sous prétexte de contrebande, dans quelque coin ignoré de l’Archipel, qu’après les avoir pillés, après avoir enlevé « jusqu’aux chemises des matelots, » ils les envoyassent, comme par dérision, se faire juger devant un prétendu tribunal de prises ? Au mois de mars 1826, la frégate la Sirène avait trouvé au mouillage de Nauplie, gardés par quelques corsaires grecs, quatorze bâtimens sous pavillon autrichien, sept sous pavillon anglais, trois russes, deux sardes, un toscan et jusqu’à un pavillon de Jérusalem. Placé entre les réclamations incessantes du commerce et les amères accusations dont il était l’objet de la part de la presse libérale, le gouvernement du roi ne voulait ni abandonner notre navigation à des chances plus périlleuses peut-être que celles d’une guerre ouverte, ni user brutalement de ses forces pour exiger de justes dédommagemens. De cet état de doute et d’anxiété était née une sorte de jurisprudence journalière dont l’application restait dévolue au tact de nos commandans.

Jusqu’à la fin de l’année 1825, les actes de violence ne s’étaient adressés qu’à des bâtimens rencontrés sans escorte ; mais au fut et à mesure que le désordre s’accroissait, quand les navires d’Hydra et de Spezzia, en révolte ouverte contre leurs amiraux, eurent