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enfin ; une série d’engagemens eut lieu, mais, « grâce aux querelles interminables des Hydriotes et des Spezziotes, les Turcs, nous dit l’amiral de Rigny, finirent par rester maîtres du terrain. » Investie par terre et par mer, Missolonghi ne devait pas tarder à succomber. Était-il impossible d’arriver à une solution pacifique avant l’accomplissement de cette nouvelle catastrophe ?

Prévoyant que les fonds de l’emprunt anglais seraient bientôt épuisés, que sans argent là Grèce ne pourrait maintenir ses flottilles ni ses troupes régulières, les chefs du gouvernement de Nauplie entretenaient avec effusion l’amiral de Rigny de leurs embarras. Ils le priaient de leur donner ses conseils, regrettant, disaient-ils, de ne les avoir pas suivis jusqu’alors. Feraient-ils une humble demande de protection aux puissances ? Par quel moyen ? Une députation ? Ils auraient autant de difficulté à la composer qu’à la défrayer. Une lettre ? Sous quelle forme la rédiger, à qui l’adresser et que demander enfin ? « À cela, je répondais, nous dit dans un de ses remarquables rapports le chevalier de Rigny, que, quelle que fût la forme, la démarche ne pourrait assurément nuire, pourvu qu’on ne manifestât pas trop de prétentions. » Mavrocordato était alors le seul qui se rendît un compte assez exact de la situation pour oser avouer devant ses collègues que tout ce que les Grecs pouvaient espérer de mieux en ce moment était une sorte d’établissement tributaire sans contact avec les Turcs. « Si j’avais à exprimer une opinion personnelle, ajoutait l’amiral, ce serait aussi mon avis. » Malheureusement le vent de la fortune enflait à cette heure les voiles et le cœur des Turcs ; moins que jamais on pouvait se flatter de leur faire entendre raison. « Vous avez dû vous apercevoir, écrivait le 9 décembre 1825 le comte de Guilleminot au chevalier de Rigny, que Méhémet-Ali n’y va pas de main morte. Ce serait folie à nous de vouloir nous jeter en travers de son chemin. Nos relations avec l’Égypte, sans être ce que l’opinion les publie, sont telles néanmoins que notre considération dans le Levant est attachée au soin que nous prendrons de les maintenir. Faut-il nous exposer encore à voir Méhémet-Ali employer l’expression de politique française comme synonyme de politique versatile ? Il y aurait moins d’inconvénient à tenter d’agir sur l’esprit du capitan-pacha, quoique ce soit dans toute l’acception du mot un maître fourbe et un fourbe à langue dorée. Il serait bon cependant de le sonder et de savoir si sa réconciliation avec Méhémet-Ali est bien sincère. Faites-lui peur des Russes, montrez-lui la possibilité d’une alliance étroite et très prochaine entre le cabinet de Londres et celui de Saint-Pétersbourg. » L’empereur Alexandre affichait en effet depuis le mois de juin des tendances assez alarmantes pour la Porte. Il se