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qu’imprimaient à l’opinion les incidens travestis à plaisir par de dangereuses agences de publicité. Les Anglais exploitaient avec habileté nos relations intimes avec l’Égypte. À force de vanter et d’exagérer le crédit dont nous jouissions auprès du vice-roi, ils avaient fini par persuader aux Grecs qu’il dépendait de nous d’obtenir de Méhémet-Ali qu’il retirât ses troupes de la Morée, dût-il s’ensuivre pour lui une rupture éclatante avec la Porte. « On lui laisserait Candie, » nous disaient les agens qui faisaient appel à notre influence ; « on irait même jusqu’à consentir à des prestations d’argent. » C’était bien mal connaître le vassal ambitieux qui fut, de tous les Turcs, le plus convaincu peut-être de la nécessité de donner à son ambition le sceau de la fidélité dynastique. Méhémet-Ali n’eût pas hésité à poursuivre ses ennemis personnels jusque sous les murs du sérail ; il eût fait la guerre au sultan pour peupler le divan de ses créatures, pour se faire conférer ainsi de nouveaux fiefs ; il n’eût jamais pris parti avec des chrétiens insurgés contre le maître auguste dans les veines duquel coulait le sang vénéré d’Othman. Ce fut en 1827 une des illusions de la politique française de croire qu’elle pourrait triompher de ce sentiment inné, invétéré chez le vieux soldat rouméliote. Malgré son indulgence pour les infidèles, malgré l’utile emploi qu’il fit de leurs services, Méhémet-Ali n’en voulait pas moins rester une des plus solides colonnes de l’islamisme.

Quand ce pacha, qui se croyait appelé par les desseins de Dieu à rétablir le prestige des armes musulmanes, se vit insulté par les giaours jusque dans le port d’Alexandrie, bravé sous les fenêtres mêmes de son palais, son exaspération ne connut pas de bornes. Le 12 août au matin, il montait à bord d’une frégate, et, suivi de sept bâtimens, courait à la recherche de la flottille grecque jusque sur les côtes de Caramanie. « Quelle singulière équipée ! » s’écriait le comte de Guilleminot en apprenant le départ du vice-roi. Singulière en effet, car Méhémet-Ali ne s’exposait pas seulement à se faire) enlever par une division hydriote, il laissait l’autorité pour ainsi dire vacante en Égypte. Il avait à peine quitté Alexandrie, que son plus mortel ennemi, Khosrew-Pacha, y entrait avec toute la flotte ottomane.

On se rappelle que Khosrew, dans les premiers jours du mois de juillet, avait escorté les renforts conduits par Hussein-Bey de la Sade à Navarin. Le 10 juillet, il était devant Missolonghi ; le 3 août, il se rangeait en bataille pour faire face à la flotte de quarante voiles qu’amenaient dans le golfe de Patras Miaulis, Sachtouris, Colandrutzos et Apostolis. Le lendemain, l’escadre hydriote, plus habile et plus manœuvrière, lui avait gagné le vent. Trois brûlots furent