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Le fils aîné de Colocotroni fût tué dans une de ces escarmouches. Le vieux Colocotroni lui-même et Delyannis furent faits prisonniers. On confina ces illustres captifs dans un monastère d’Hydra. Les primats s’enfuirent dans l’Acarnanie. Quant à Odysseus, soupçonné d’être entré en pourparlers avec le pacha de l’Eubée, son lieutenant Gouras se tourna contre lui et l’enferma dans la citadelle d’Athènes. En six semaines, la victoire du parti civil était complète.

M. de Reverseaux arrivait à Nauplie au moment même où venait de se consommer ce triomphe. La présidence du corps législatif, composé de 62 membres, 28 pour le Péloponèse, 18 pour la Grèce continentale, 16 pour les îles, avait été dévolue à Panoutzo Notaras. Le pouvoir exécutif était exercé par George Condouriotti d’Hydra, Photillas, Goletti, Spiliotakis, chargés de parler au nom de la Morée, de l’Albanie et de Misistra. Le représentant de Spezzia, Botazis, venait de mourir à Nauplie et n’avait pas été remplacé. Le prince Mavrocordato était attendu de Missolonghi ; on lui réservait les fonctions de chancelier d’état. « Le gouvernement de la Grèce, écrivait M. de Reverseaux, m’a paru mieux assis, plus respecté, plus craint que par le passé. Désireux d’éloigner tout élément de trouble, il a refusé l’entrée de Nauplie à Mavromichali et à la Bobolina, l’amazone de Spezzia, qui ont dû se retirer à Argos. Quand je me suis présenté à la maison où siège le gouvernement, je n’y ai trouvé que Coletti à peine convalescent du typhus, dont ses collègues ont tous été atteints. Coletti me parla de l’espoir qu’il avait de voir bientôt ouvrir en France un emprunt. Caressé par les Anglais pendant toute la durée de son séjour à Missolonghi, Mavrocordato est, dit-on, le seul homme important qui leur soit dévoué. Je ne dirai rien des Russes, qui se sont souverainement fait détester en Grèce. Quant aux Autrichiens, le sentiment de la haine n’est pas le seul que les Grecs leur ont voué ; Ce sentiment s’allie chez eux à celui du mépris. Le projet d’une organisation analogue à celle des provinces de Moldavie et de Valachie, qui en 1821 eût comblé de joie les habitans de la Grèce, ne leur paraîtrait plus maintenant qu’un moyen indirect de les faire rentrer sous la dépendance des sultans. Au point où en sont les Grecs, un accord entre eux et les Turcs n’est plus possible. »

L’Europe cependant était loin d’avoir pris le parti violent et décisif qu’indiquait sans trop de réticence M. de Reverseaux. L’intégrité de l’empire ottoman est un de ces dogmes qu’on ne modifie pas à la légère. Des conférences s’étaient ouvertes à Saint-Pétersbourg ; elles avaient eu pour premier résultat de charger les légations de Constantinople du soin de proposer confidentiellement l’intervention officieuse dés grandes puissances européennes à la Porte. « On ne