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le pressent d’appuyer non-seulement de ses paroles, mais aussi de ses actes, la mesure qu’ils se préparent à prendre. C’est à lui d’assurer le succès d’une combinaison désirée au Palais-Royal, favorablement accueillie aux Tuileries, autorisée par M. de Villèle. Les momens sont précieux, la circonstance est unique. Il suffit pour faire triompher le parti français de signifier au nom de la France un armistice à l’armée d’Ibrahim. « En vérité, monseigneur, écrivait l’amiral au comte de Chabrol le 5 juillet 1825, j’éprouve une espèce de honte à rappeler tous ces rêves ; mais, je le dis ici avec assurance, quand bien même les instructions des ministres du roi m’eussent autorisé à coopérer plus ou moins directement à de pareils projets, j’aurais cru manquer à mon devoir, j’aurais cru compromettre les intérêts du pays et le nom de son altesse royale, si je me fusse laissé aller à de vaines espérances dans un tel moment. » Ibrahim en effet ne tarda pas, comme l’avait prévu l’amiral de Rigny, à se replier sur Tripolitza. Son armée partie, beaucoup de Grecs n’eurent rien de plus pressé que d’oublier et de désavouer leurs promesses, d’autres se firent un mérite de porter au commodore Hamilton le secret de ces négociations imprudentes.

Le commodore partit sur-le-champ pour Corfou. Il en revint avec quatre frégates et trois corvettes. Au même moment entraient à Nauplie deux bâtimens de commerce anglais. L’un apportait une nouvelle portion de l’emprunt, 50,000 livres sterling, — l’autre était chargé de munitions. Le commodore s’oppose avec grand fracas au débarquement de ces secours. « La France, dit-il, a déjà pris trop d’influence en Égypte pour que le gouvernement britannique lui en laisse prendre davantage encore en Grèce. L’argent anglais ne servira pas à ériger dans le Levant un royaume français. » Quelques jours s’écoulent, un manifeste est apporté d’Hydra, on le couvre à Nauplie de signatures. « La nation grecque remet volontairement le dépôt sacré de sa liberté et de son existence politique à la protection exclusive du gouvernement de la Grande-Bretagne. »

Cette détermination extrême dépassait maladroitement le but. L’amiral français en profite pour se placer sur un terrain où le commodore lui-même ne pourra se dispenser de venir le rejoindre. « Je tiens à tous ici le même langage, écrit-il le 23 septembre au ministre ; je ne prêche que l’union et la concorde. Je calme les plus impatiens en les assurant des dispositions généreuses du roi ; je ne leur dissimule pas que c’est au concours des puissances qu’ils doivent s’adresser pour obtenir l’amélioration de leur sort. » — « La Grèce, ajoutait-il, est trop pauvre pour supporter un établissement royal dont les frais ne seraient pas faits ailleurs. On doit