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Florentins, pas un souvenir de Rome, en revanche cinq ou six Titien, et presque tous les coloristes. Est-il besoin de dire que c’est aux prises avec ce même Titien que Ricard triomphe et se rapproche le plus de son modèle ? Ne le devine-t-on pas, étant donnés le tempérament du disciple et la manière relativement pénétrable du maître ? La Vierge au lapin et la Vénus de la Tribune sont deux très belles copies, les deux meilleures de l’artiste. Après elles, le Saint Sébastien de Giorgione, le Saint Martin de Van Dyck et la marine de Claude Lorrain méritent les plus grands éloges ; seule l’Antiope de Corrège nous laisse un peu désappointés. Cette copie préoccupa longtemps Ricard, il s’en était fait une sorte de gageure avec lui-même, et s’y reprit à longs intervalles pour la terminer. Les derniers mois de sa vie, il y travaillait encore de temps à autre, et, si l’on pouvait enlever la peinture par couches, on trouverait cinq ou six Antiopes sous la dernière qui subsiste. Et cependant, malgré le talent dépensé, malgré l’art infini qui se trahit à chaque touche, on est forcé de se dire que tous ces efforts ont été vains. La raison nous paraît simple et péremptoire : dans l’Antiope, Corrège ne livre pas son secret, et la copie de ce chef-d’œuvre est probablement impossible. Il fut le dernier de l’immortel artiste, le fruit de tous les autres et comme la quintessence mystérieuse de son génie. La meilleure preuve qu’on ne copie pas l’Antiope, c’est que Ricard ne l’a pas fait. — Bornons. là les réflexions que nous suggère l’exposition de l’École des Beaux-Arts. Dans quelques jours, ce travail de toute une vie sera de nouveau dispersé, et rentrera dans l’ombre jusqu’à ce qu’une vente publique en remette en lumière quelque lambeau ; mais certains esprits penseront souvent à ces œuvres. En voyant l’art contemporain s’égarer de plus en plus dans les puérilités ou les violences, ils regretteront dans Ricard un des rares artistes de ce temps-ci ayant aimé et pratiqué la peinture à la façon d’un Italien de la renaissance.

SAINT-CYR DE RAYSSAC.



L’éloquence politique et judiciaire à Athènes, les précurseurs de Démosthène, par M. George Perrot, 1873.


Le peuple grec, qui avait reçu de la nature un goût très vif pour l’éloquence, se trouva de bonne heure dans des conditions politiques où tout citoyen devait sans cesse recourir à la parole publique. L’Hellade était divisée en un grand nombre de petits états qui avaient chacun une vie propre, qui entretenaient des relations suivies avec leurs voisins, qui ne décidaient rien sans tenir des conseils où tous les avis pouvaient se produire. La parole avait alors le rôle qui est surtout réservé à la presse chez les modernes. On traitait les questions non par écrit, mais de vive voix, et on peut douter que nos publicistes aient eu jamais plus de sujets à discuter que les Grecs n’en agitèrent dans les assemblées ou dans