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chorégraphique ! C’était en effet ne faire les choses qu’à demi. Danseuse habile et correcte, M, le Beaugrand n’est point un premier rôle de pantomime, et son talent la désigne plutôt à briller dans les pas ; mais la Sangalli est absente, Londres nous l’a prise et la retient pour sa saison, et le meilleur maître de ballet ne peut donner que ce qu’il a. Quelle bonne occasion s’offrirait ici de quereller l’administration de l’Opéra sur son système actuel d’engagemens ! Danseuses et chanteurs, au lieu d’être engagés à l’année comme par le passé, ne figurent plus sur les cadres que pour six mois, ce qui diminue de moitié les frais d’une troupe, mais ce qui fait en même temps qu’on n’a jamais personne à sa disposition. La pièce de Gretna-Green rentre dans la catégorie des ballets-vaudevilles ; cela pourrait tout aussi bien être parlé que mimé. Ne serait-il donc pas possible d’inventer quelque chose de moins terre à terre ? Un forgeron qui bat son enclume, un duc qui chasse dans la forêt prochaine, des substitutions de mariées par trocs de costumes et par trucs, c’est plus vieux que Saturne tout cela ; qu’on nous rende l’Olympe et ses habitans ! Le ballet n’existe plus guère aujourd’hui qu’à l’état d’intermède dans les opéras. Les abonnés s’en plaignent et n’ont pas tort, car le genre demande à revivre, et se relèverait sans trop d’efforts.

Il suffirait que l’administration montrât plus de discernement dans le choix de ses programmes, et ne traitât point comme simple accessoire ce qui au demeurant est un art, un grand art. Idéal, rhythme, plasticité, qui remplirait ces trois conditions n’aurait certes pas perdu sa peine ! Quant aux moyens d’exécution, le personnel actuel, à tout prendre, les fournirait. Comparé à ceux d’Italie, notre corps de ballet garde encore l’avantage. Chez nous, tout ce joli monde est intelligent ; il n’obéit pas comme ailleurs d’un mouvement mécanique à la baguette d’un caporal, c’est par la seule autorité de la persuasion que son habile chef le gouverne, et les résultats obtenus, non moins précis qu’à Milan et à Pétersbourg, ont un caractère d’individualité, de libre allure qui n’appartient qu’à notre école. Au besoin, les ensembles très réussis du nouveau ballet en offriraient l’exemple. Pour ce qui est de la musique, j’aurais attendu mieux de M. Giraud. Non que sa partition mérite d’être jugée avec sévérité, mais les grands complimens seraient hors de saison, et j’espérais voir le jeune musicien saisir au vol cette occasion de se distinguer. C’est de la musique telle quelle, aisée, courante, bien en scène, mais où manque le trait de plume accentué, cette note mise dans Giselle par Adam et qui se retrouve dans Coppélia.


F. DE LAGENEVAIS.



EXPOSITION PUBLIQUE DES ŒUVRES DE GUSTAVE RICARD.


Vers la fin du mois de janvier dernier, une mort foudroyante enlevait à ses amis l’un des artistes les plus distingués, sinon les plus en