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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 mai 1873.

La crise a donc éclaté, les événemens se sont accomplis avec une rapidité presque fiévreuse que rien n’a pu ralentir. On aurait pu attendre encore trois mois, au moins six semaines, et prolonger cette trêve observée tant bien que mal jusqu’ici devant l’étranger, qui heureusement n’est plus campé que pour peu de temps sur notre sol. L’excitation des partis et la tension des choses ont précipité le dénoûment. En un jour, en quelques heures, la face des affaires de la France a changé. Un vote a emporté le président de la république de deux ans, le ministère de la veille. Le samedi 24 mai, on s’est réveillé sous le pouvoir de M. Thiers, le soir même on a pu s’endormir sous le pouvoir du maréchal de Mac-Mahon, après trois séances consécutives de l’assemblée où la question a été tranchée à l’emporte-pièce. D’un seul coup, tout ce qui représentait le gouvernement s’est trouvé changé et renouvelé. Il n’y a que les difficultés qui n’ont pas disparu, qui recommencent peut-être sous d’autres formes, et au milieu de ces mobilités de la scène publique il y a toujours le personnage invariable, le pays, assistant de loin à des agitations dont souvent il n’a pas le secret, où se jouent les intérêts de sa sécurité et de son avenir, se demandant ce qu’on fait, ce qu’on veut faire de lui, ce qu’il peut espérer ou ce qu’il peut craindre. Nous restons avec le pays, n’oubliant rien de ce qui a été fait depuis deux ans pour réparer d’immenses désastres, d’immenses désordres publics, confîans dans la fortune de la France, qui a passé par de bien autres épreuves, et attendant de la meilleure foi du monde ce qui va sortir de cette crise nouvelle, de ce coup de théâtre parlementaire qui vient d’éclater si brusquement à Versailles.

L’imprévu a pu être dans le dénoûment, il n’était point à coup sûr dans la crise elle-même, qui évidemment se préparait depuis assez longtemps, qui s’est compliquée et aggravée à travers une multitude de péripéties où tous les élémens possibles ont eu un rôle, les incompatibilités et les froissemens personnels autant peut-être que les dissenti-