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d’octobre ; ce qui l’intéresse dans cette fête champêtre, ce sont les cérémonies auxquelles elle donne lieu chez les prêtres de Bacchus et de Cybèle. Le trépied divin est dressé sur un piédestal au milieu du temple. En face a été posé en grande pompe un tonneau ceint de guirlandes de lierre, et la prêtresse se tient à côté, élevant sa torche allumée. Derrière le tonneau, trois joueuses de flûte (ambubajœ) soufflent dans des instrumens bizarres dont le bec leur entoure le visage et se noue autour de leur tête avec des bandelettes. Derrière le trépied, de jeunes prêtresses vêtues de blanc, couronnées de pampres, dansent légèrement en faisant retentir des cymbales et des tambourins. Tout au fond se tiennent des canéphores à longue barbe, portant sur leurs épaules des amphores au long cou. Le peuple, répandu dans la partie basse du temple, pousse des cris de joie et fait entendre des chants. Voilà du moins tout ce qu’il est possible aux profanes de deviner. Ce qui est plus facile à voir, c’est que, malgré la grâce exquise et la facture habile de quelques-unes de ses figures, M. Alma-Tadéma s’obstine dans les défauts tant de fois critiqués qui, même au point de vue technique, font de lui un artiste incomplet. Ses procédés de peinture sont plus monotones et plus systématiques que jamais. Il a trois manières de faire, l’une pour les têtes et les parties nues, l’autre pour les draperies, la troisième pour les surfaces planes, et il les applique imperturbablement, quels que soient les plans et les distances. Or les draperies, fortement empâtées, écrasent les nus, et les surfaces planes, faute de perspective aérienne, débordent les draperies, qui semblent rentrer et faire des trous dans les murailles. Quand trois figures sont alignées, c’est toujours la dernière qui paraît en relief sur les premières. Le dessin est loin d’être irréprochable, et il y a telle attache du bras qui accuse au moins beaucoup de négligence. L’érudition même de M. Tadéma, qui paraît être sa grande, sinon son unique prétention, inspire une défiance involontaire. Cette scène nous paraît plus orientale que romaine, ou du moins elle doit se passer dans la Rome de la décadence, dans celle que la lente invasion des races orientales et des superstitions lydiennes ou syriennes avait à peu près transformée en ville asiatique.

M. Alma-Tadéma est le peintre par excellence de cette jeune génération de poètes descriptifs qui croient remplacer l’inspiration par la minutie ou par l’étrangeté du détail. M. Marchai, par lequel nous aimons à clore la série des tableaux de genre, n’est pas un archéologue, et nous l’en félicitons. Il puise son inspiration aux sources les plus naturelles, et c’est sans doute pour cela qu’il s’élève à la noble simplicité du grand style. Les deux tableaux du Matin et du Soir