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de M. Merson. Devant un Christ crucifié qui détache un de ses bras de la croix pour la bénir, une sainte convulsionnaire tombe à la renverse, les bras écartés ; le paysage est tout obscurci par un nuage blanc opaque, sur lequel trois anges blancs, vêtus de blanc, chantent et jouent de la musique, sans doute pour distraire le Christ de ses douleurs et lui faire prendre en patience l’ennui de sa longue pendaison. Le Christ est-il en bois ou en chair ? On ne saurait le dire, et c’est une question qui préoccupe d’autant plus le spectateur que tous les détails du crucifix sont fort exactement et même puissamment rendus. Les anges sont-ils de vrais anges du XIVe siècle ou une mascarade enfarinée et accoutrée dans le style néo-gothique qui était à la mode il y a quarante ans ? Nous penchons vers cette dernière hypothèse, et nous attendons pour juger M. Merson qu’il cesse de prendre ses modèles dans les images des paroissiens complets.

M. Michel est à peu près le seul peintre moderne qui ait encore le sentiment de la peinture religieuse ; il est dommage que son exécution pâle et un peu flasque ne réponde pas toujours à sa pensée. Le Christ au jardin des Oliviers est agenouillé et tend les bras vers son père ; l’auréole vaporeuse qui entoure sa tête prend, dans l’ombre de la nuit, les teintes irisées d’un arc-en-ciel lunaire. L’homme-Dieu se sent défaillir, il regarde en haut avec l’expression de l’extase et presque de la terreur. Ses yeux fixes voient l’avenir qui l’attend ; ses mains inertes s’ouvrent machinalement au bout de ses bras levés vers le ciel avec un geste suppliant et éperdu. Un ange se penche vers lui et l’entoure de ses bras avec une tendre sollicitude. Ce geste rappelle un des anciens tableaux de M. Michel où l’on voyait un saint embrassé et presque soulevé de terre par un ange. L’auteur a une prédilection particulière pour ces effusions mystiques, qu’il exprime du reste avec un rare bonheur.

La mythologie païenne inspire-t-elle mieux nos artistes que le sentiment chrétien ? La mythologie n’est pas seulement un prétexte à nudités aimables et à figures de style, danses de faunes et de nymphes, Dianes chasseresses descendant au bain ou Venus sortant de l’onde ; elle offre aussi des sujets sévères, dramatiques, romantiques même, qui ne sont pas très habituellement exploités. M. Tony Robert-Fleury a essayé d’en tirer parti dans son tableau des Danaïdes, et, il faut le dire, cet essai n’est pas très heureux. Il semble que ce talent distingué manque de force, et que sa jeunesse commence déjà à vieillir. Ce qui frappe le plus dans ce tableau, c’est l’absence de toute idée originale. Autour de la fontaine qui fait leur éternel supplice, les malheureuses filles poursuivent leur accablant-labeur, harcelées par les furies qui les menacent de leurs serpens ; elles succombent à la fatigue et au désespoir. L’une