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accusait, non sans raison ; d’avoir un penchant des plus décidés pour la piraterie. Au mois d’avril 1823, le capitaine Lalande, sur le brick-aviso la Gazelle, avait reçu mission de leur aller réclamer 25,000 piastres en indemnité d’un bâtiment français dépouillé par eux. Il leur avait en même temps signifié le vif déplaisir que causait au commandant de la station leur conduite. Depuis cette époque, les Caxiotes s’étaient trouvés sous le coup de soupçons plus graves encore ; on n’hésitait pas à leur attribuer la disparition de navires qui n’étaient jamais arrivés à leur destination et dont on avait en vain demandé des nouvelles à toutes les criques de l’Archipel. Impitoyables pour les prisonniers turcs ; ils étaient gens, disait-on, quand ils avaient pillé un bâtiment neutre, à cacher sans scrupule leurs méfaits au fond de ces abîmes « qui ne racontent pas d’histoires. » Fondées ou non, ces accusations, quand ils furent attaqués, éloignèrent d’eux toute intervention étrangère. Le 19 juin 1824, à la faveur de la nuit ; Hussein-Bey débarqua sur la côte qui regarde Candie 3,000 de ses Albanais. Ces hardis, montagnards escaladèrent lestement les rochers et investirent en silence les quatre villages bâtis sur la hauteur. Surpris à l’improviste, les Caxiotes n’étaient pas de taille à lutter corps à corps avec leurs agresseurs. Tout homme capable de porter les armes fut égorgé sur-le-champ. Les vieilles femmes partagèrent ce triste sort ; les jeunes et les enfans, au nombre de 2,000, furent transportés sur le marché d’Alexandrie.

Le désastre de Caxos répandit la consternation dans la Grèce, il éveilla peu de sympathie parmi les neutres. Un pareil événement était tout au plus de nature à faire baisser le taux des assurances sur les places de Marseille et de Trieste. Il n’en fut pas de même pour la catastrophe qui un mois plus tard atteignit Ipsara ; Les Ipsariotes avaient pris à bon droit possession de la faveur publique. Il suffit d’un héros pour illustrer un peuple, Canaris n’avait pas de rival dans l’admiration de tous ceux qui suivaient avec anxiété les efforts de la Grèce. Le coup qui allait frapper sa patrie ne pouvait que retentir douloureusement dans le cœur des philhellènes.

Le soin de réduire Ipsara avait été laissé à la flotte de Constantinople. Le 20 avril 1824, Khosrew quitta le Bosphore avec une flotte de quatre-vingt-deux voiles, dont un vaisseau de 74, un vaisseau rasé, cinq frégates, quarante-cinq corvettes, bricks, goélettes ou canonnières ; trente bâtimens de transport, sur lesquels étaient embarqués 3,000 janissaires et arnautes. Après une fausse attaque sur l’île de Skiathos, le capitian-pacha vint mouiller au port Sigry de Métélin, et y fût rejoint par 11,000 hommes des contingens d’Asie. Il était évident dès lors qu’il allait tenter « un coup décisif » sur Ipsara. « Les habitans, écrivait M. de Reverseauxy adjoint par