Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 105.djvu/625

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

habitans de Schwytz Gemeinmark, « la marche commune, » parce qu’en effet ce droit en dérive directement.

La corporation économique qui possède les allmends ne se confond pas avec le corps politique qui constitue la commune. Ainsi à Stanz, dans le Nidwald, les habitans de la commune forment un corps appelé die Dorfleute zu StanzIls se réunissent en assemblée générale pour régler directement les affaires de la commune, et ils prennent part au repas commun qui a lieu chaque année en souvenir de la bataille de Rossberg en 1308. La corporation économique s’appelle Theilsame, et elle se compose des usagers de Oberdorf et de Stanz réunis. La séparation entre les bourgeois qui ont le droit d’usage et ceux qui ne l’ont pas remonte à 1641, et elle est toujours respectée. On voit par cet exemple que les démocraties absolues ou vraiment égalitaires sont très conservatrices. C’est ainsi que les constitutions des états de la Nouvelle-Angleterre, qui sont également ultra-démocratiques, sont les plus anciennes qui existent.

Primitivement tout le canton d’Unterwalden ne formait qu’une seule communauté dont les membres avaient un droit d’usage sur tout le territoire. Quand s’établirent les seigneuries et les abbayes, elles usurpèrent peu à peu une partie du domaine commun de la marche. Ainsi se constituèrent des juridictions séparées, et chacune d’elles voulut avoir ses propriétés particulières. Telle fut l’origine des communautés d’usagers actuelles, qui restèrent séparées même après que les seigneuries eurent été supprimées. Les seigneurs féodaux n’eurent pas assez de puissance pour s’emparer des droits des paysans partiaires, Markgenossen. Ceux-ci au contraire conservèrent des droits d’usage sur les biens seigneuriaux, qui ne s’affranchirent jamais entièrement du domaine éminent de la communauté. En qualité de Markgenoss, de « communier, » le seigneur avait sa part dans la jouissance des allmends[1]. On vendait un bien avec les droits d’usage qui y étaient attachés, cum omni utilitate, ou avec la communio in marchis. Dans un procès entre le bailli et les habitans de Küssnacht en 1302, le jugement ne reconnaît pas plus de droits à ce représentant de la seigneurie féodale qu’aux autres usagers. Les paysans libres avaient pris déjà un tel ascendant à cette époque que nous voyons en 1355 les habitans d’Arth racheter tous les droits de la seigneurie de l’endroit.

  1. Ainsi M. Heasler cite un acte de l’an 1227, par lequel Dietrich von Opphau vend au monastère de Schönau, « prædia Bua in Suntheven, agros, prata, curtes, areas, almeine. » Mone transcrit un autre texte qui a presque le même sens. « Hoba cum omnibus utilitatibus ad eamdem hobam rite attinentibus, id est marca silvæ, sagina, aquis, pascuis. » Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, B. I, p. 391.