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qui mettent en action les masses liquides, qui les animent pour ainsi dire, et leur communiquent l’impulsion d’un bout à l’autre du globe terrestre.


III

On n’est encore qu’à l’aurore des recherches, et déjà s’est entrouvert le fond de l’abîme. Ce qui promet beaucoup pour l’avenir est que les faits recueillis en Norvège par M. Sars, sur les côtes de l’Amérique par le comte Pourtalès, concordent avec les résultats généraux obtenus par le docteur William Carpenter et le professeur Wyville Thomson. De tous les côtés, la lumière se fait. Il reste pourtant beaucoup à découvrir ; le lit des mers profondes n’a été que rapidement effleuré. Une nouvelle expédition scientifique chargée de faire le tour du monde (circumnavigation expedition) s’organise maintenant en Angleterre. De telles études pratiques n’intéressent pas seulement la science, elles profitent aussi à la navigation et aux industries maritimes. La formation des vents, des pluies, des rosées, n’est point étrangère à la lutte des courans océaniques. Peut-être y découvrira-t-on plus tard la loi des tempêtes. Tout secret dérobé à la nature est une force entre les mains de l’homme, toute observation nouvelle délivre le marin des terreurs superstitieuses que lui inspirait autrefois l’océan, ce monde de ténèbres. Il n’y a point de sainte ignorance : le devoir de l’homme est de connaître. A mesure qu’il s’éclaire, l’esprit moderne s’enhardit et prend confiance en lui-même. La science a violé les mystères du vieux Neptune ; l’art des ingénieurs s’apprête à lui jeter bien d’autres défis. Tout porte à croire que la Grande-Bretagne tenait autrefois au continent, dont elle a été détachée par une irruption des eaux ou par un effondrement du sol. D’un côté à l’autre de la Manche se prolongent des couches absolument semblables, des masses de craie disjointes. Paris et Londres s’élèvent sur le même bassin géologique de la période tertiaire. Eh bien ! il est question de reprendre au détroit une partie de sa conquête, de rétablir le lien de communication par la terre ferme entre les deux contrées voisines, la France et l’Angleterre. Naviguer à la surface des vagues mouvantes, c’était bon pour les anciens ; il s’agit maintenant de passer sous la mer. Un ingénieur anglais, reprenant le projet de M. Thomé de Gamond, propose de franchir la distance de Douvres à Calais (29 kilomètres) au moyen d’un tunnel.

Ce n’est point un projet en l’air, un château en Espagne sous l’océan. Toutes les études sont faites. Le détroit anglais, English channel, comme l’appellent avec un peu d’orgueil et de sans-façon