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Grâce à cette théorie, on peut aujourd’hui se rendre compte de beaucoup de phénomènes et d’anomalies qui ont tant étonné les anciens géographes. Comment se fait-il par exemple qu’au mois de janvier et de février Stromness, un vieux bourg situé dans l’une des Orcades, à plus de 7 degrés 1/2 de plus vers le nord, jouisse d’une température pour le moins aussi douce que celle de Greenwich ? D’où vient surtout le contraste frappant qui existe entre le climat de Stromness et celui de Christiania, l’une et l’autre ville se trouvant placée sous presque le même parallèle de latitude ? Cette différence tient à un courant nord-est, une continuation du gulf-stream qui atteint le groupe des Orcades, tandis qu’il laisse en dehors de son influence la capitale de la Suède et celle de la Norvège. Qui ne sait d’autre part que du côté opposé de l’Atlantique des villes très avancées vers le sud, s’étendant vis-à-vis des rivages du Portugal, subissent durant une partie de l’année des froids extrêmement rigoureux ? On y glisse en traîneau tout aussi bien qu’à Saint-Pétersbourg ou à Moscou. Cet abaissement de la température pendant l’hiver est aujourd’hui attribué à un courant polaire qui traverse l’Océan en longeant les côtes. Toujours est-il que les conditions plus ou moins douces de l’atmosphère ne dépendent point absolument pour une localité de la place qu’elle occupe sous le soleil ; il faut tenir compte d’autres circonstances, de la direction des vents et surtout des ondes nomades qui la baignent. N’oublions pas que le nord fait au midi, par l’entremise de la plaine liquide, des emprunts continuels de chaleur qu’il rend de son côté en fraîcheur et en température intermédiaire. Cette double circulation des mers avait d’abord été accueillie par quelques savans comme une image poétique ou une brillante hypothèse. Les travaux récens tendent à démontrer que c’est au contraire un fait positif, une loi de la nature aussi nécessaire à la vie de l’océan, à l’ordre général des choses, que l’est la circulation du sang au maintien de l’homme sur la terre. On peut d’ailleurs se faire une idée de ce mouvement hydraulique par ce qui se passe tous les jours dans nos serres et dans quelques édifices publics. L’université de Londres est chauffée par un vaste système de tuyaux le long desquels l’eau qui sort plus ou moins bouillante de la chaudière voyage d’une salle à l’autre, monte ou descend, décrit des tours ou des détours, traverse des passages difficiles et compliqués, puis retourne à son point de départ. Une faible différence de température entre sa sortie et sa rentrée dans la chaudière (44 degrés environ) la met à même d’exécuter toutes ces évolutions. Tel est à peu près le mécanisme du mouvement des ondes dans les bassins de l’océan. Le froid, la chaleur, l’évaporation, sont les principales causes, les vrais mobiles