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vers les pôles en montant à la surface[1]. Tout le monde connaît de nom le gulf-stream, ce courant très chaud qui sort du golfe du Mexique et auquel les géographes modernes ont attribué une si grande influence sur la modification des climats. Sans nier l’existence ni la valeur d’un tel agent, le docteur Carpenter est porté à croire que le gulf-stream, envoyé par l’équateur pour modérer l’inclémence du Spitzberg, n’est qu’un accident de la loi générale, de même que le courant arctique, s’étendant très loin dans les mers du sud, constitue un cas particulier du mouvement universel qui entraîne les eaux glacées vers le midi, et qui ramène les eaux tièdes vers le nord. Ce sont tout simplement les deux grandes artères de la circulation océanique.

Ces eaux vagabondes, ces mers fuyantes, jouent évidemment un rôle très considérable dans l’économie physique de notre globe : elles exercent un système perpétuel d’échanges entre les pôles et l’équateur à travers les zones tempérées. Quelquefois on peut suivre les traces de leur passage dans le sédiment qui recouvre le lit de la mer. C’est ainsi que, durant l’exploration de l’Éclair et du Porc-Epic, les savans trouvèrent dans le courant arctique, sur le sable, quelques débris de minéraux volcaniques venus probablement de Jean-Mayen, une île située au nord-est de l’Islande et dont les accès sauvages, même pendant l’été, sont gardés par d’éternelles glaces. Ces courans voiturent avec eux leurs climats qu’ils prolongent en quelque sorte dans l’espace, et auxquels s’adapte une population locale. La basse température des eaux ne s’oppose point toujours à l’expansion de la vie animale. La faune peut au contraire y être très abondante ; mais elle se compose d’émigrés qui, trouvant au loin les mêmes conditions de température, ont étendu les limites de leur patrie sous-marine. Quelques-uns des animaux qui pullulent dans ces ondes Voyageuses n’avaient été jusqu’ici découverts que vers les côtes du Groenland, de l’Islande, ou même près des rochers sinistres du Spitzberg. Dans le courant opposé, c’est au contraire l’équateur qui vient rendre sa visite aux pôles, — l’éternel été qui se rapproche en glissant de l’éternel, hiver. Plus on suit vers le nord la marche des eaux, plus aussi le froid des zones arctiques (toutes proportions d’ailleurs étant gardées) se trouve mitigé par un transport continuel de chaleur. De tels déplacemens de calorique ambiant ne modifient pas seulement les conditions thermales des mers, ils exercent une très grande influence sur les terres environnantes.

  1. L’eau chaude se répand au-dessus des couches d’eau froide en conséquence de sa moindre gravité spécifique.