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température, les courans d’eau chaude et d’eau froide, la distribution de la vie animale dans les lieux bas de la mer. Le succès couronna ces diverses recherches scientifiques, et le Porc-Epic, tout glorieux de son œuvre, chargé des trophées de la science, revint à Belfast, où l’on débarqua les collections. Les résultats obtenus avaient dépassé toutes les espérances, et jamais aussi courte expédition n’avait plus dérobé de secrets au grand sphinx de l’océan.

Il était maintenant curieux de déplacer le champ des explorations et de comparer les mers du sud aux mers du nord. On avait été si content du Porc-Epic qu’on réclama de nouveau ses services en 1870 ; l’amirauté consentit à le prêter pour une nouvelle série d’études. L’expédition se divisa cette fois en deux croisières. La première devait examiner le lit des eaux profondes entre Falmouth et Gibraltar, la seconde se chargea d’interroger le bassin occidental de la Méditerranée entre Gibraltar et Malte. Le navire à vapeur quitta Falmouth le 4 juillet ; mais un épais brouillard et des vents contraires le forcèrent de se réfugier dans Mount’s-Bay, où il resta toute une journée à l’ancre. M. Gwyn Jeffreys, accompagné d’un jeune naturaliste suédois, M. Josua Lindahl, de l’université de Lund, dirigeait les travaux de cette première croisière. Le 6 au point du jour, le vaisseau partit et se dirigea vers l’ouest ; le 7, il atteignait cette déclivité qui s’étend de l’entrée de la Manche jusqu’aux abîmes de l’Atlantique. Toutes les fois que soufflait un vent favorable, la drague descendait au fond de la mer et remontait chargée de butin. Il y vivait certains jours de pêche miraculeuse. Les mollusques, les crustacés, les zoophytes et autres habitans des eaux profondes étaient bien faits pour éveiller la curiosité des naturalistes : les uns étaient des types nouveaux pour la science et qui n’avaient jamais été décrits, d’autres ne s’étaient montrés jusque-là que dans des climats limités et bien différens de celui dans lequel on naviguait maintenant ; il y en avait enfin (et c’étaient les plus curieux au point de vue géologique) qui appartenaient par l’ensemble des traits à d’anciens âges de la terre. Ces richesses convainquirent les explorateurs que, malgré les travaux des savans, la conchyliologie des mers était très imparfaitement connue. Combien de découvertes et de surprises nous réservent encore les dragages à grande portée ! Le Porc-Épic n’avait guère fait que suivre la frange des côtes, fouillant çà et là des profondeurs relativement modérées (de 600 à 1,100 brasses), et déjà s’était étendu, comme par un coup de baguette magique, l’horizon de la zoologie sous-marine. Que serait-ce le jour où la drague, pénétrant dans les cataractes de l’Atlantique du nord jusqu’à l’immense lit de l’Océan, atteindrait ce sol tapissé (il y a maintenant lieu de le croire) d’une