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jours après cette fatale escarmouche, Mustaï-Pacha arrivait à Karpenisi. Il trouva la route de Vrachori ouverte, et opéra sans peine dans cette ville sa jonction avec les troupes venues de Janina. Au mois d’octobre 1823, les deux corps combinés attaquaient Anatolikon, n’osant pas encore s’adresser à Missolonghi. Le 12 décembre 1823, ils avaient lancé sur Anatolikon 2,000 bombes ; les maladies leur avaient enlevé 2,000 hommes. Omer-Vrioni et Mustaï-Pacha jugèrent prudent de renoncer à une entreprise que l’approche de l’hiver pouvait convertir en désastre. Ils opérèrent leur retraite, plus pressés de se séparer que désireux de combiner une seconde fois leurs efforts. Ainsi se termina la campagne de 1823 dans la Grèce occidentale. Le peu d’importance de cette diversion laissait tout l’intérêt se concentrer sur les opérations de la flotte, opérations dont le sultan se promettait encore de sérieux résultats.

Le capitan-pacha n’avait fait qu’un très court séjour dans le golfe de Lépante. Vers la fin du mois de septembre 1823, il ramenait son escadre à travers l’Archipel. Provoqué par les batteries que les Grecs avaient établies sur l’île de Tine, il reçut dédaigneusement cette insulte. « Sa conduite, écrivait le capitaine de Rigny, annonce quelque modération envers les îles désarmées ; elle décèle aussi une certaine timidité vis-à-vis des autres. » À la fin du mois d’octobre, le capitan-pacha était dans le golfe de Volo, et s’emparait de Tricheri, position d’où il pouvait faire passer aisément ses troupes dans la Phtiotide. « Ce mouvement, écrivait encore le capitaine de Rigny, paraît avoir pour but de se mettre en communication avec les troupes turques qui bloquent Missolonghi. Si cette opération a des suites, la position des Grecs sera critique, et je pense qu’ils ne devraient pas attendre pour capituler avec un ennemi dont, au dernier moment, ils auront tout à redouter. » Le fantôme de la puissance ottomane faisait donc encore illusion aux esprits les plus perspicaces ! À chaque nouvel effort de la Porte, il semblait que les Grecs dussent être écrasés sous le large pied du colosse ; on les retrouvait à l’issue de la campagne plus vivans, plus alertes, plus déterminés que jamais. Le 7 novembre 1823, à cette date où le capitaine de Rigny exprimait ainsi ses inquiétudes sur le sort de l’insurrection, ce n’était ni Anatolikon, ni Missolonghi qui capitulait, c’était l’Acro-Corinthe dont les Grecs prenaient possession pour la seconde fois. Au même moment, le capitan-pacha était attaqué dans le golfe de Volo. Un brûlot ipsariote abordait sa frégate, et peu s’en fallait que Khosrew n’eût le sort de Kara-Ali. À cette vue, le désordre se mettait dans son escadre : pour la rallier, il ne trouvait d’autre moyen que de fuir jusqu’aux Dardanelles, abandonnant Trikeri et Skiathos aux Grecs.

« Ainsi, disait le capitaine de Rigny, revenu de ses