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recherches du libre examen. Aussi la société, sous sa nouvelle forme, fut-elle tournée en ridicule par les beaux esprits ; on assure même que Charles II ne fut point étranger aux plaisanteries qui circulèrent alors dans tout le royaume. Toujours est-il que, si les savans avaient pu craindre d’être énervés par les faveurs princières, ils eurent bientôt lieu de se rassurer à cet égard : le roi, occupé de ses courtisans et de ses courtisanes, ne rendit même point visite à la société qu’il était censé avoir fondée. Cette indifférence du chef de l’état fut peut-être plus utile que nuisible aux progrès de l’institution. En Angleterre, la science se protège elle-même : au moyen de l’association, elle inspire à tous la conscience du mérite et le respect des services rendus. Le ridicule ne tue que les œuvres qui ne sont point capables de vivre. La grandeur des corps savans comme celle du pays lui-même tient à la valeur des hommes : du jour où Newton fut nommé président, personne en Angleterre n’a plus ri de la Société royale. En 1780, cette société, qui avait erré de Gresham-College à Crane-Court, sans trouver un toit convenable pour abriter son musée, sa bibliothèque, ses collections, obtint enfin du gouvernement un vaste local dans Somerset-House. Ce massif édifice, construit de 1776 à 1786, regarde d’un côté sur le Strand et de l’autre sur la Tamise : la façade du bord de l’eau, noircie par la fumée des bateaux à vapeur, en partie submergée par les hautes marées avant l’établissement des quais, percée de fenêtres et entremêlée de colonnades, s’étend en ligne droite sur la rive gauche, à la hauteur du pont de Waterloo. A l’intérieur, c’est un monde de papiers, de bureaux et de salons. La coutume veut depuis plusieurs années que le président de la Société royale invite à une série de conversations ou de soirées les fellows les plus distingués, auxquels se mêlent d’autres savans, des artistes et des hommes de lettres. Toutefois cet institut a surtout été fondé pour le développement des sciences physiques et mathématiques. Sans parler des vivans, tous les esprits éminens de la Grande-Bretagne dans cet ordre d’études, Newton, Boyle, Hooke, Flamsteed, Franklin, Faraday, bien d’autres, lui ont appartenu, et il a pour ainsi dire hérité de leur gloire. Quoique la Société royale n’ait aucun caractère officiel, elle intervient quelquefois auprès du gouvernement anglais pour recommander les expériences et les travaux qui lui semblent dignes d’encouragement.

Le premier qui eut chez nos voisins l’idée de draguer les profondes mers est M. Wyville Thomson, professeur d’histoire naturelle au Collège de la Reine, Fueen’s College, Belfast. Il avait acquis déjà de l’expérience dans l’art d’interroger l’abîme. Grâce à des travaux antérieurs, il possédait des connaissances très étendues sur la faune marine non-seulement de l’Angleterre, mais aussi de la Scandinavie