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LE
FOND DE LA MER

TROIS EXPEDITIONS SCIENTIFIQUES. — LES CLIMATS ET LES COURANS SOUS-MARINS. — LE TUNNEL DE LA MANCHE.

Les anciens géographes écrivaient sur leurs cartes pour les terres non visitées : terra ignota ; mais le lit des mers était encore bien moins connu que les régions polaires fermées par les citadelles de glace, que les épaisses forêts vierges, que les plus inaccessibles sommets des hautes montagnes. À terre, l’homme, étant dans son élément et pour ainsi dire chez lui, avait depuis longtemps exploré les cavernes, les précipices ; qui était jamais descendu dans les vallées basses de l’océan ? Que savait-on des lois qui président dans le monde des eaux à la distribution de la vie animale ? Le fond de la mer n’avait guère été entrevu que par les. pêcheurs d’huîtres et les plongeurs dont il a été parlé dans l’une des études sur l’Angleterre et la vie anglaise[1] ; mais les scaphandriers, ces ouvriers utiles, ne pénètrent qu’à des profondeurs relativement insignifiantes. Ils travaillent autour des côtes à recueillir les épaves des naufrages ; que peuvent-ils nous apprendre sur ce qui se passe dans les entrailles de la mer à des distances de 3,000 et 4,000 mètres ? Les forces humaines, quoique secondées par des appareils ingénieux, ne résistent point à certaines pressions du liquide, à la difficulté de se procurer sous un grand volume d’eau la quantité suffisante d’air respirable, ni à mille autres obstacles qui défient toutes les ressources de l’art mécanique. Il fallait, donc attaquer le problème par un autre côté.

  1. Voyez la Revue du 15 mars 1866.