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UN
POETE THEOLOGIEN

II.
LA VIE FUTURE DANS VIRGILE[1].

Virgile a consacré tout un livre de l’Énéide, le sixième, à raconter la descente d’Enée aux enfers. Ce livre n’est pas tout à fait nécessaire au développement de l’action, quoiqu’il y soit habilement rattaché ; le poème pouvait à la rigueur s’en passer, le poète a tenu à l’écrire : il voulait nous faire savoir l’idée qu’il se formait de l’état des âmes après la mort. Ce sujet préoccupait sa pensée et attirait son imagination. Il l’avait abordé sans y être contraint, il mit tous ses soins à le bien traiter. C’est une des parties de son ouvrage dont il devait être le plus satisfait, puisqu’il en donna lecture à l’empereur et à sa famille ; ce fut peut-être aussi celle qui frappa le plus les Romains. Ils y trouvaient pourtant des difficultés qui les embarrassaient, et les savans de cette époque avaient composé, pour les expliquer, un certain nombre de traités spéciaux qui sont perdus. Aujourd’hui, si nous voulons être certains de saisir la pensée du poète, il ne faut pas entrer dans l’étude du sixième livre sans quelque préparation. Comme il y a suivi sa méthode ordinaire, qui consiste à ne rien inventer de lui-même et à s’appuyer toujours sur les opinions de ses contemporains ou sur les traditions du passé, il convient de chercher d’abord quelles vicissitudes avait traversées chez les Romains la croyance à la vie future, et ce qu’on en

  1. Voyez la Revue du 1er mars.