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Sheridan, après plusieurs victoires remportées dans la vallée de la Virginie, était venu renforcer Grant devant Petersburg. Dans l’ouest, Sherman, ayant marché à travers un pays incapable de résistance, avait pris Savannah, et menaçait la Caroline du nord et les lignes de retraite de Lee au sud de la Virginie. Lee se trouvait donc entouré de tous côtés par les armées ennemies, et ne pouvait plus conserver l’espoir de défendre ses lignes à Petersburg. Il venait d’être investi du commandement suprême de toutes les armées de la confédération, mais beaucoup trop tardivement pour que le pouvoir illimité que ce titre lui conférait pût être autre chose qu’une vaine formule. Grant était devant lui avec 150,000 hommes, Sherman arrivait par le sud avec un nombre égal. Il n’avait plus à Petersburg sous ses ordres que 30,000 hommes, et Johnston, bloqué dans l’ouest par Sherman, n’en comptait pas davantage. Lee sentit que sa seule chance était de se retirer de la Virginie vers l’ouest, où, s’unissant à Johnston, il pourrait résister longtemps encore en se retranchant dans les montagnes, et, prolongeant ainsi indéfiniment la lutte, obtenir de meilleures conditions de paix.

Le gouvernement confédéré ne lui permit point de suivre ce plan ; quel qu’en fût son regret, il se soumit, et l’armée de Nord-Virginie dut attendre son destin devant Petersburg. La condition des troupes était vraiment déplorable ; elles n’étaient plus que de véritables spectres. Jour et nuit, pendant ces longs mois d’hiver, le feu des fédéraux avait été incessant. Presque nus, affamés et glacés, ces vétérans, dont le nombre diminuait chaque jour, se battaient sans un moment de défaillance, vivant dans les tranchées, à travers la neige, la gelée, les brouillards intenses, les pluies torrentielles. En mars, Lee découvrit qu’un mouvement important s’opérait dans l’armée de Grant, ayant pour objet de saisir la ligne du chemin de fer allant vers le midi, et de couper ainsi toutes ses communications. Il résolut alors d’attaquer Grant sur un point tout opposé, pour le forcer à retirer ses troupes vers l’est, et donner ainsi aux confédérés une chance de salut en s’emparant d’un autre chemin de fer par où Grant recevait ses approvisionnemens, peut-être même la possibilité de se retirer ensuite rapidement par le chemin de fer de l’ouest sur Lynchburg.

Ce hardi projet était la dernière espérance de Lee. Gordon fut chargé avec trois petites divisions d’attaquer un fort fédéral qui n’était qu’à 200 mètres des lignes confédérées. L’assaut réussit, et les confédérés furent un moment maîtres du fort ; mais, toutes les batteries voisines tirant sur eux, Gordon se trouva entouré, et ne put qu’avec peine opérer sa retraite. 2,000 confédérés restèrent morts ou prisonniers dans ce mouvement offensif, le dernier que