Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 105.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

3 avril 1823. Khosrew se montra plein d’ouverture, de confiance et d’humanité. Il entretint longuement le chargé d’affaires de France du but qu’il se proposait et des difficultés qu’il éprouverait à l’atteindre. Les places de Nauplie, d’Hydra et d’Ipsara étaient assurément des places de résistance ; là n’était pas pourtant le plus grand obstacle que l’amiral entrevoyait à l’accomplissement de ses desseins. « Il m’a parlé, écrivait M. de Beaurepaire, des rigueurs et des sanglantes exécutions qui ont eu lieu, particulièrement à Chio, comme d’un souvenir qui éloignerait de lui des gens à qui il va porter des paroles de pardon et de paix. Il ne désespère pas toutefois de convaincre les Grecs de la sincérité de ses intentions bienveillantes, car les Grecs le connaissent et savent que, bien différent de quelques autres capitans-pachas, il les a toujours bien traités. » Ce sujet amena Khosrew à parler de Kara-Ali, qui avait sauté l’année précédente devant Chio. « C’était pour moi, dit-il, un ancien et fidèle compagnon d’armes. Je l’aimais et je connaissais tout son mérite. »

Le temps s’écoulait, et la flotte ottomane restait toujours mouillée devant Constantinople. Le capitan-pacha se refusait absolument à prendre la mer avant d’avoir complété l’organisation de ses équipages, composés en majeure partie de gens étrangers à la profession de marin. Enfin le 24 avril, un peu rassuré « par la désunion des Grecs, qui semblait à son comble en Morée, par la peste qui frappait une partie de leur population, » il consentit à quitter le Bosphore, mais ce fut pour s’arrêter aux Dardanelles. Le 17 mai, il y était encore. L’escadre barbaresque, composée d’une douzaine de frégates ou corvettes, l’attendait devant Ténédos. Il la rejoignit le 21 mai avec quarante-quatre bâtimens, dont dix-huit ou vingt frégates et un seul vaisseau. Menacés à la fois par la flotte de Constantinople et par l’escadre d’Égypte, « les Grecs, nous dit le capitaine de Rigny, prirent le parti d’observer ce formidable armement en l’évitant. » Cinquante voiles se réunirent dans les eaux d’Ipsara ; une autre division s’établit en croisière sous Candie, et, les contributions levées à la hâte dans les îles désarmées n’ayant pas suffi, des bâtimens isolés allèrent « rapiner » sur les côtes de Syrie, de Chypre et d’Égypte. « Sous prétexte de molester les Turcs, écrivait le capitaine de la Médée, ces prétendus corsaires inquiètent beaucoup les pavillons européens. »

Le 2 juin 1823, le chef de notre station navale eut, comme M. de Beaurepaire, une entrevue avec le capitan-pacha. Il le rencontra dans les eaux de Métélin, où la flotte ottomane, qui comptait alors quinze frégates, treize corvettes et une soixantaine de bâtimens d’un rang inférieur, embarquait les troupes que des bateaux lui