Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 105.djvu/513

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donnaient au reste de l’armée confédérée le temps de mettre les fédéraux en déroute. La fermeté de Jackson avait changé la fortune de la journée, et le mot de Bee resta comme une épithète attachée au nom du héros et à celui de sa redoutable brigade.

En mars, Lee fut rappelé à Richmond et chargé de l’entière direction militaire de la confédération. Son premier but, auquel il travailla jour et nuit, fut de mettre la ville de Richmond en état de défense. Les affaires des confédérés, malgré la victoire de Manassas dans la dernière campagne, n’étaient pas dans une condition très favorable. Exaltés par des succès qui leur avaient inspiré beaucoup trop de confiance en eux-mêmes, ils croyaient à une rapide fin de la guerre, et s’étaient reposés pendant l’hiver sur leurs lauriers. Le nord au contraire multipliait ses ressources pour l’ouverture de la prochaine campagne. Il fallut toute l’habileté d’organisation du général Lee pour mettre l’armée en état de lutter contre les troupes qui s’avançaient sur la Virginie. Le général Mac-Clellan, qui l’été précédent avait remporté des succès en Ouest Virginie, avait été désigné cette année pour menacer Richmond ; excellent soldat, ayant servi avec distinction au Mexique, il allait se montrer un redoutable adversaire. Au moment où la guerre avait éclaté, Mac-Clellan avait, lui aussi, hésité sur le parti qu’il devait suivre, puis, ayant accepté un commandement dans le nord et réussi dans sa première campagne, il avait été nommé au printemps de 1862 commandant en chef des armées fédérales. Toutes les ressources du gouvernement fédéral avaient été employées pour mettre l’armée sur un pied formidable. Partagée en trois corps, sous Banks, Mac-Dowell et Fremont, forte de 200,000 hommes, elle entourait Richmond de trois côtés, et selon toute apparence la capitale confédérée allait tomber entre ses mains avant la fin de la campagne.

Le général Joseph E. Johnston, qui commandait à Richmond même, dérouta les projets des fédéraux. Les faisant attaquer par Jackson dans la vallée de Virginie, ce qui opéra une diversion, il les assaillit lui-même à Seven-Pines, sur le Chickahominy, près de Richmond, et leur livra une sanglante bataille. Victorieux d’un côté, les confédérés furent moins heureux de l’autre. Les lignes de Mac-Clellan avaient reçu une atteinte grave ; mais Johnston, blessé grièvement, dut retourner dans Richmond, et le commandant en chef vint le remplacer. Huit jours après, Jackson terminait sa campagne dans la vallée de Virginie en défaisant Fremont à Port Republic, et était libre de venir rejoindre Lee sur le terrain de la lutte.

Il n’y avait pas de temps à perdre, il fallait à tout prix arrêter Mac-Clellan, qui, s’étant avancé en vue des murs de Richmond, menaçait la ville d’un siège, et pour cela il devenait indispensable de savoir quelles étaient les forces et la disposition exacte de son