Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 105.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nombre de frégates et moins de vaisseaux. » La Porte ne voulait plus en effet exposer aux attaques des brûlots ces masses « mal dirigées et mal montées » qui semblaient ne sortir du Bosphore que pour aller au-devant d’un désastre. La flotte ottomane devait, sans y comprendre cette fois la flotte égyptienne, destinée à opérer isolément, se composer de soixante-trois voiles, dont dix-sept appartenant aux régences barbaresques. Alger fournirait six navires, Tunis sept, Tripoli quatre. On faisait les plus grands efforts pour composer aussi bien que possible les équipages de cet armement, et on avait embauché des matelots européens en assez grand nombre ; mais le principal espoir du sultan résidait dans le nouveau chef auquel la Porte venait de confier ses vaisseaux. L’homme appelé à de si hautes fonctions en remplacement du trop prudent Méhémet n’était plus un de ces personnages que la faveur du prince va souvent chercher en Turquie dans les rangs les plus humbles. Khosrew-Mohamed-Pacha avait derrière lui une longue carrière politique. Si Ali-Pacha pouvait être considéré comme le type du guerrier albanais, Méhémet-Ali comme la personnification du soldat rouméliote, Khosrew représentait bien le fonctionnaire turc tel qu’on nous l’a dépeint au début de ce siècle. Il avait été l’esclave du capitan-pacha qui en 1801 reçut de la Porte la mission de reprendre possession de l’Égypte, et ce fut ce même capitan-pacha qui vint présider à l’installation de son ancien serviteur en qualité de gouverneur d’une province où l’autorité du sultan était à peine reconnue par les Anglais et par les mamelouks. Khosrew fut ainsi jeté, avec le firman du sultan et un corps de troupes sur lequel il ne pouvait en aucune façon compter, au milieu du plus affreux désordre qui ait jamais mis à l’épreuve la résignation d’un pacha ottoman. La sédition lui ravit et lui rendit tour à tour l’autorité. Il passa pendant cinq ans du palais à la geôle et de la geôle au palais. Le chef des Albanais, qui l’avait chassé, fut tué par ses propres soldats ; Méhémet-Ali, qui l’avait d’abord emprisonné au Caire, le fit sortir de prison pour l’opposer comme le représentant légitime du sultan aux mamelouks. Les Albanais le précipitèrent de nouveau du pouvoir pour y élever le gouverneur d’Alexandrie, ce Kurchid que nous avons vu en 1821 pacha de la Morée et assiégeant Ali dans Janina. Kurchid ne jouit pas longtemps de son élévation ; Méhémet-Ali ameuta contre lui les troupes, qui ne voulaient accepter ni la suprématie des Albanais ni la domination des mamelouks. Ces derniers événemens se passaient en 1806, et la voix de la France était alors écoutée à Constantinople. Le consul de France à Alexandrie, M. Drovetti, fit plaider auprès du sultan la cause du seul homme qui lui parût capable de rétablir la paix en Égypte. Méhémet-Ali dut à l’intervention de notre ambassadeur la confirmation de l’autorité qu’il avait