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et de la complicité ou de la mollesse de ses agens dans les provinces, la révolution se relève, grandit au point de devenir menaçante. Encore un peu, ce sera le « radicalisme légale, » la « commune légale, » s’installant par l’autorité du suffrage universel, surpris et abusé. Il faut en finir. Que le gouvernement, éclairé enfin par le péril, rompe toutes ses alliances compromettantes avec la gauche, qu’il cesse de ménager, ne fût-ce qu’en apparence, les radicaux qui se servent perfidement de son nom pour capter les suffrages du pays, — qu’il établisse nettement, résolument, son point de direction à la droite de l’assemblée, avec un ministère homogène, fidèle exécuteur de cette politique conservatrice. Qu’il entre dans cette voie, on fera cause commune avec lui, on le suivra au combat contre l’ennemi, et s’il refuse cette satisfaction aux alarmes du parti conservateur, il n’y a plus à hésiter, on renversera M. Thiers, on prendra le gouvernement, et à tout prix, on se hâtera de redresser une situation faussée par une politique de défaillance et d’équivoque. — Fort bien encore, voilà un autre plan. Se rendre à la droite ou à la gauche, donner sa démission ou être renversé, c’est la condition qu’on fait à un gouvernement occupé à maintenir l’ordre depuis deux ans au milieu de toutes les excitations des partis et à poursuivre encore aujourd’hui la libération du territoire au milieu de toutes les impossibilités qu’on lui crée !

On veut ouvrir la grande campagne conservatrice, soit ; mais, avant d’entrer en campagne, est-on. bien sûr de pouvoir aller jusqu’au bout ? Est-on bien certain de ne pas voir l’armée parlementaire se débander à la première étape ? D’abord, il ne faut pas l’oublier, renverser M. le président de la république par une impatience de majorité, c’est dans un autre sens une sorte de coup d’état depuis que la constitution Rivet a fixé d’avance que la durée des pouvoirs de M. Thiers serait égale à la durée de l’assemblée elle-même. On peut tout tenter, si on le veut, sans aucun doute ; — on ne se donnerait pas moins l’apparence d’une violence sommaire. contre un homme dont la dernier acte aura été de délivrer son pays de l’étranger. Et puis enfin où veut-on en venir ? Que M. Thiers ne partage pas toutes les vues ou les préventions de la droite, et qu’il refuse de se prêter à toutes ses combinaisons, c’est possible ; mais la droite elle-même sait-elle bien toujours ce qu’elle veut et ce qu’elle peut ? C’est le malheur et la faiblesse des fractions conservatrices de l’assemblée, on le sait bien, de s’être épuisées dans des fractionnemens, dans des conflits intimes où M. Thiers n’est pour rien, et de s’être laissé conduire à ce point où, ne pouvant faire ce qu’elles voulaient, elles n’ont consenti qu’avec toute sorte d’arrière-pensées, de réserves et de dédains, à faire une partie de ce qui était possible. Le gouvernement a pu commettre des fautes ; le parti conservateur de l’assemblée a commis celle-là : il s’est affaibli par une politique d’expectative et de fronde, faute de prendre position à propos sur un terrain où il aurait pu exercer l’action la plus sérieuse et la plus. décisive. En se replaçant résolument sur ce terrain, même au-