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découragement que, s’abandonnant eux-mêmes, ils perdraient toute préoccupation et tout sentiment militaires ; mais ce serait là un très mauvais calcul. Il faut que les états secondaires, alors même qu’ils doivent s’abstenir soigneusement de toute attitude agressive, puissent du moins, le cas échéant, inspirer dans les crises européennes le respect de leur propre neutralité. C’est ce qu’a très bien compris un homme politique qui prêchait encore il y a trois ans le désarmement du Danemark, dans un ouvrage intitulé Rêveries, et qui trouve aujourd’hui que ce titre n’était que trop exact. « La plupart d’entre vous, disait l’an dernier l’évêque Monrad aux électeurs, savent que j’avais été séduit par la pensée de renoncer à toute défense et de faire du Danemark une petite oasis ouverte au libre commerce du monde, au milieu de l’Europe accablée sous le poids des charges militaires. Cette idée n’a pas été accueillie par le sentiment général de la nation, et je crois que cette fois on a eu raison. Il est certain en effet que, si une grande puissance voulait nous attaquer, nous serions impuissans à résister ; mais l’homme est ainsi fait qu’il renonce souvent à prendre l’offensive lorsqu’il sait qu’il rencontrera une résistance. Si donc une grande puissance songeait à nous envahir, elle serait d’autant moins disposée à céder à cette tentation qu’elle nous saurait en état de nous défendre. » Ce sont là de sages paroles, elle parlement danois ne pourrait trop ; les méditer. Malgré des suggestions irréfléchies, il doit se garder d’affaiblir cet élément indispensable que les utopistes aiment à qualifier du nom du militarisme.

Les membres de l’opposition ne sont que trop portés à flatter les instincts de parcimonie des paysans, en réclamant des économies exagérées, surtout dans les dépenses qui concernent l’armée. Le gouvernement n’en a pas moins demandé cette année un accroissement assez considérable pour le budget de la guerre, comme pour celui de la marine, et il a déposé en janvier, sur le bureau de la seconde chambre, un projet de système de défense destiné à remplacer les fortifications actuelles de Copenhague qu’on est en train de démolir, et à mettre à l’abri d’un coup de main les points faibles de la côte danoise. On doit également procéder à une réorganisation générale de l’armée. L’opposition, qui voudront sinon annuler, du moins affaiblir l’importance de l’autorité centrale dans toutes les branches de la vie politique, n’a pas accueilli sans défiance la présentation de la nouvelle loi militaire. Elle ne s’est guère montrée plus sympathique à un autre projet du gouvernement sur les écoles publiques, bien que ce projet, inspiré par des principes libéraux, tende à réaliser des réformes scolaires que la gauche réclamait elle-même depuis dix ans. Mais aujourd’hui il y a des hommes politiques en Danemark qui voudraient en fait d’enseignement une liberté illimitée, qui déclarent que la constitution d’écoles publiques dans les mains de l’état est une atteinte portée à l’indépendance du peuple, et