Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 105.djvu/480

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’organisation de la propriété. foncière, qui se trouve en grande partie concentrée aux mains d’une classe de cultivateurs à la fois fermiers et propriétaires, constituant une sorte de bourgeoisie agricole, fort en garde, malgré ses tendances démocratiques, contre toute doctrine communiste. On pouvait alors affirmer que, parmi les nombreuses sociétés ouvrières qui existaient à Copenhague, il n’y en avait pas une seule qui fût affiliée en bloc à l’Internationale. Un certain nombre d’ouvriers en faisaient partie, mais à titre purement individuel, et correspondaient directement avec les sections du nord de l’Allemagne. On faisait remarquer, pour dissiper les inquiétudes, que si les ouvriers danois professent des opinions politiques assez radicales, ils n’en sont pas moins très éloignés des doctrines du socialisme. Un patriotisme très vif, soigneusement entretenu dans de fréquentes réunions publiques et privées, les défend contre les atteintes de ce cosmopolitisme qui forme de nos jours l’un des dogmes fondamentaux de la secte communiste. En dehors d’efforts isolés, il n’y avait pas à proprement. parler de propagande en Danemark dans les premiers mois de 1871. L’unique tentative qu’on pouvait mentionner en juillet consistait dans une publication périodique dont une seule livraison avait paru, et qui portait le titre de Feuilles socialistes. Le Public ne paraissait y faire nulle attention. L’auteur, qui se donnait pour un ouvrier, constatait lui-même dans son introduction l’indifférence, selon lui regrettable, que les idées socialistes rencontraient en Danemark, même de la part des partis politiques les plus avancés.

A quoi bon d’ailleurs se jeter dans la démagogie ? Les institutions du royaume ne garantissent-elles pas à tous une parfaite égalité ? M. Hansen, ancien ouvrier, devenu le chef du parti démocratique dans la deuxième chambre, n’en convenait-il pas lui-même ? Les travailleurs, pourvus de salaires suffisans et préservés de ces écarts subits entre l’offre et la demande qui se manifestent dans les grands centres de production et entraînent avec eux les grèves et les chômages, ne se trouvaient-ils pas dans des conditions économiques particulièrement satisfaisantes ? Telles étaient les considérations que les esprits optimistes ne cessaient de mettre en avant pour écarter toute crainte. On se faisait encore à ce sujet les plus grandes illusions, quand à la fin du mois de juillet l’auteur anonyme des Feuilles socialistes transforma tout à coup ce recueil en un journal. hebdomadaire destiné à propager des doctrines subversives. Droit égal de tous à tous les biens, de quelque nature qu’ils soient, émancipation des femmes, éducation en commun, abolition du droit de succession, suppression de l’armée, séparation de l’église et de l’état, tels étaient les principaux points du programme de ce journal essentiellement radical. Il célébrait les tristes exploits de la commune de Paris, et, proclamant la guerre du capital et du travail, il poussait au combat les ouvriers de toutes les nations. On crut d’abord