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ministère de la guerre à Berlin avait élevé des difficultés contre ces derniers, qu’on parlait de traiter comme des déserteurs ; mais le gouvernement de l’empereur Guillaume n’a pas persisté dans cette idée. Le litige a été résolu à la satisfaction du Danemark, et il a été stipulé que tous les habitans du Slesvig qui auraient rempli les conditions exigées par l’article 19 du traité de Vienne, qu’ils appartinssent à la seconde ou à la première catégorie, seraient appelés à jouir du bénéfice de cette clause. Quant au fond même de l’affaire du Slesvig, il n’a point été modifié, et le roi Christian IX s’est contenté de dire dans son dernier discours du trône : « Il n’est survenu aucun changement dans la politique extérieure du Danemark. La question du Slesvig est toujours pendante, mais nous conservons le ferme espoir qu’elle recevra une solution satisfaisante. »

Au mois d’octobre, les deux députés des districts danois du Slesvig à la seconde chambre du parlement prussien, MM. Kryger et Ahlmann, ont été réélus à une grande majorité de voix. Du reste ces élections n’ont d’importance qu’à titre de manifestation. Les deux députés danois ont refusé de prêter serment à l’empereur Guillaume, à moins qu’on admît une réserve de leur part touchant l’article 5 du traité de Prague ; la chambre ayant déclaré une telle réserve inadmissible, ils ont déposé leur mandat. Les habitans danois du Slesvig les ont réélus trois ou quatre fois depuis lors, et chaque fois ils redonnent leur démission pour être réélus de nouveau. En définitive, la question n’a pas avancé depuis le traité de Prague, et c’est là une de ces affaires sur lesquelles malheureusement personne ne pourrait se livrer à des appréciations qui fussent autre chose que de pures hypothèses.

C’est pour les peuples aussi bien que pour les individus une épreuve difficile que de passer brusquement de l’espérance à la déception. A l’heure où s’engagea la lutte de la France contre l’Allemagne, la nation danoise crut que le moment de la revanche approchait, et s’imagina qu’elle allait recouvrer les provinces perdues. La funeste issue de la guerre, d’abord considérée par elle comme un signal de délivrance, la plongea dans un sombre découragement. Il en est résulté une sorte de malaise et d’angoisse qu’a voulu exploiter une secte dont le programme consiste à profiter de tous les troubles moraux ou matériels, sur quelque point de l’Europe qu’ils viennent à se produire.

L’Internationale s’est développée en Danemark avec une désastreuse rapidité. Au milieu de l’année 1871, elle y était à peine connue, et les autorités danoises paraissaient à cet égard en pleine sécurité. Ce qui les rassurait, c’était l’absence de grands centres industriels et commerciaux, l’exemption presque complète de la plaie du paupérisme, la diffusion universelle de l’instruction primaire et le caractère essentiellement chrétien qu’elle a conservé, le bon esprit des nombreuses associations ouvrières et agricoles qui couvrent le pays, enfin la distribution et