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LE DANEMARK
EN 1872

L’histoire moderne offre peu d’exemples de pays qui aient été aussi éprouvés que le Danemark. Depuis sa participation malheureuse à la guerre de trente ans, ce royaume, digne d’un meilleur sort, a subi désastres sur désastres. Il a perdu successivement ses possessions de l’autre côté du Sund, différentes provinces norvégiennes, puis la Norvège tout entière, enfin, avec la partie allemande, de l’ancienne Chersonèse cimbrique, 200,000 Danois du Slesvig. Sa population, qui d’après le recensement de 1860 était de 2,605,000 âmes, n’en compte plus qu’environ 1,700,000 depuis la perte des duchés. Le Danemark, sur lequel se fixait il y a quelques années, l’attention générale, n’est plus comme autrefois l’objet de la préoccupation des chancelleries et de l’opinion publique ; le temps semble déjà loin où tous les organes de la publicité en Europe commentaient avec passion les incidens de cette fameuse question, des duchés que lord Palmerston comparait par une métaphore familière à une allumette destinée à embraser le continent. A l’heure qu’il est, ce petit pays se tient pour ainsi dire à l’écart dans le concert européen. Une telle réserve lui est inspirée par un sentiment de sagesse, et l’on doit approuver le cabinet de Copenhague d’une prudence qui lui est assurément imposée par les exigences de sa situation. Cependant, malgré la mutilation de son territoire, le Danemark a encore une importance incontestable. Les passages du Sund n’ont pas cessé d’être les Dardanelles du nord, et au point de vue géographique il existe entre Constantinople et Copenhague une remarquable analogie. On ne saurait donc perdre de vue le modeste et honnête royaume que la nature semble avoir jeté en avant de la Baltique pour en garder les clés au nom de tous, sans dépendre de personne. Aussi n’est-il pas inopportun de jeter un coup d’œil sur les relations du gouvernement danois avec les puissances et sur le développement de ses affaires intérieures.