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faite aux insurgés leurs récens succès. « M. l’ambassadeur, écrivait-il au ministre de la marine, m’engage à profiter des communications que je pourrai avoir avec les chefs grecs pour leur annoncer que le congrès de Vérone n’a pu s’occuper d’eux, et qu’il ne leur reste d’autre parti à prendre que la soumission. M. de Latour-Maubourg paraît tenir à ce que la France soit pour quelque chose dans l’influence de ces conseils. En déférant, comme je le dois, à cette direction officielle, je ferai observer à votre excellence que les Grecs seront peu disposés à entendre ce langage au moment même où Nauplie a capitulé, où Spina-Longa et Gira-Pietra viennent d’être pris en Candie, où Modon et Coron sont près de tomber. »

C’est une pente assez naturelle aux agens diplomatiques d’épouser la cause et les intérêts de la puissance auprès de laquelle ils représentent leur souverain. Un ambassadeur de France à Constantinople sera toujours, — c’est son rôle, et l’on pourrait presque dire que c’est aussi son devoir, — partisan absolu de l’intégrité de l’empire ottoman. Au mois de février 1823 d’ailleurs, l’heure était peu propice aux révolutionnaires. Le moment de l’intervention armée de la France en Espagne approchait. Les Grecs s’efforçaient, il est vrai, de séparer leur cause de celle des Espagnols et des Napolitains. « Les habitudes démagogiques que semblaient leur avoir transmises avec le sang dorien leurs illustres ancêtres » venaient à chaque instant démentir leurs paroles. En vain combattaient-ils sous l’étendard de la croix, les rivalités religieuses dont l’Orient n’avait pas cessé d’être le théâtre éloignaient d’eux les vœux et le concours de l’église catholique.

Dès le début de son commandement, le capitaine de Rigny eut à prendre sous sa protection des intérêts qui, favorisés par les Turcs, avaient tout à craindre de la jalousie des Grecs orthodoxes. Les Latins, je l’ai déjà dit, avaient pris l’habitude de regarder le roi de France comme une seconde providence. C’était son nom qu’ils invoquaient dans leurs calamités et qu’ils mêlaient sans cesse à leurs prières. L’image de saint Louis ornait toutes leurs églises. Encouragées par la continuité de nos actes protecteurs, leurs communautés s’étaient imaginé que leurs modestes clochers ne profiteraient pas seuls d’un auguste appui ; elles voulurent s’en prévaloir pour se soustraire aux charges publiques. Ce ne furent pas alors les autels seulement, ce furent les foyers et la vie même des catholiques qui se trouvèrent menacés. Eperdus et peu habitués à de semblables luttes, les catholiques se réfugièrent sous le pavillon blanc qui flottait arboré au faîte de leurs églises. La fureur redoublée des Grecs ne s’arrêta pas devant cet emblème. C’en était fait de ces populations timides, si la main royale se fût retirée d’elles. À Naxos, à Santorin, à Syra, les mêmes scènes s’étaient