qu’ils donnèrent ainsi beaucoup de terres, et ils indiquent clairement qu’ils les donnèrent en toute propriété et à titre héréditaire. Que les rois francs aient fait de même, c’est ce qui est attesté par leurs diplômes et par plusieurs testamens du VIIe siècle.
Les Germains n’ont pas recherché d’abord la possession bénéficiaire ; ils ont aspiré à la vraie et complète propriété, telle qu’ils la voyaient établie pour les Gallo-Romains. Beaucoup d’entre eux se sont répandus sur le territoire et y sont devenus propriétaires. Grégoire de Tours en cite plusieurs dans les environs de sa ville. Les formules rédigées dans l’Anjou montrent qu’il y avait au VIe siècle des Francs-Saliens qui étaient propriétaires en ce pays ; on en trouvait aussi dans le pays de Bourges. Nous pouvons voir dans les actes que ces hommes vendaient, donnaient, léguaient, échangeaient leurs terres ; il n’est donc pas douteux qu’ils n’eussent sur elles un droit de propriété aussi complet que celui qui était consacré par les lois romaines.
Regardons les codes qui furent écrits peu de temps après l’invasion des Francs ; ils nous présentent l’image non d’un peuple de guerriers, mais d’un peuple de propriétaires. Ils ne sont pas faits pour une troupe d’hommes vivant en commun, ils sont faits pour une société où l’individu vit et possède isolément. Riche ou pauvre, chacun a sa maison, son champ qui est bien à lui, sa clôture et sa limite inviolable qui enferme sa propriété. Si la terre était en commun, les lois ne régleraient que des partages de jouissance ; ce qu’elles protègent au contraire, c’est toujours la propriété individuelle ; ce qu’elles garantissent avant toute chose, c’est l’héritage. Il est surtout digne de remarque que ces codes germaniques ne contiennent aucune disposition qui soit relative au bénéfice. Ce n’est pas que ce mode de possession n’existât déjà au moment où ils ont été rédigés ; mais ils n’en tiennent aucun compte, ils ne lui accordent aucune protection légale. Ils n’admettent et ne semblent connaître que la propriété pleine, absolue, sans conditions et sans dépendance, celle qui est transmissible par succession ou par vente, celle enfin qu’ils trouvaient établie dans les lois da la population indigène.
Si nous nous plaçons au milieu de la période mérovingienne, c’est-à-dire au VIIe siècle, et si nous consultons les chartes, les diplômes, les actes de testament ou de donation, les formules, enfin tout ce qui marque en traits précis la manière dont les intérêts sont constitués dans une société, nous y voyons que le droit de propriété individuelle a traversé sans aucune atteinte la crise de l’invasion germanique. Du IVe au VIIe siècle, il a conservé tous ses traits essentiels et n’a rien perdu de sa force. Les deux populations le comprennent et le pratiquent de la même manière.